Repérage

1) Coordonnées cartésiennes

Repères cartésiens

On a déjà remarqué que le choix d'une origine $ O$ permet d'identifier un espace affine $ E$ de dimension $ n$ à sa direction $ \overrightarrow{E}$, c'est-à-dire à un espace vectoriel. Le choix d'une base $ \mathcal B=(\vec{e}_1,\dots,\vec{e}_n)$ de $ \overrightarrow{E}$ permet d'identifier cet espace vectoriel à $ \mathbb{R}^n$. Le couple $ \mathcal R = (O,\mathcal B)=(O,\vec{e}_1,\dots,\vec{e}_n)$ est appelé repère cartésien de $ E$. Pour tout point $ M$ de $ E$, il existe alors un unique $ n$-uplet $ (x_1,\dots,x_n)$ de réels vérifiant $ \overrightarrow{OM}=\sum\limits_{i=1}^n x_i \vec{e}_i$. Ces nombres sont appelés coordonnées cartésiennes de $ M$ dans le repère $ \mathcal R$. Si $ n=2$, on notera souvent ces coordonnées $ (x,y)$ et, si $ n=3$, $ (x,y,z)$.

Mesure algébrique

Un repère cartésien d'une droite affine $ D$ est un couple $ (O,\u)$, où $ O$ est un point de $ D$ et $ \u$ un vecteur non nul de $ \overrightarrow{D}$ (on dit que $ \u$ est un vecteur directeur de $ D$). Si $ M$ et $ N$ sont deux points de $ D$, le vecteur $ \overrightarrow{MN}$ s'écrit de manière unique $ \overrightarrow{MN}=\lambda \u$ pour un réel $ \lambda$. Ce réel $ \lambda$ est appelé mesure algébrique de $ MN$ et noté $ \overline {MN}$. La mesure algébrique $ \overline {MN}$ dépend donc du choix d'un vecteur directeur de $ D$ : si on remplace $ \u$ par $ \lambda \u$, où $ \lambda$ est un réel non nul, toutes les mesures algébriques sur $ D$ sont divisées par $ \lambda$. Mais le rapport $ \overline {MN}/\overline {PQ}$ de mesures algébriques de couples de points de $ D$ ne dépend pas du choix du vecteur directeur : il est donc défini de manière intrinsèque.

Equation d'un hyperplan

Proposition 10   Soit $ E$ un espace affine de dimension $ n$ et $ \mathcal R=(O,\vec{e}_1,\dots,\vec{e}_n)$ un repère cartésien de $ E$. Tout hyperplan $ H$ de $ E$ admet dans $ \mathcal R$ une équation de la forme $ a_0+\sum\limits_{i=1}^n a_i x_i=0$, où les $ a_i$ sont des réels vérifiant $ (a_1,\dots,a_n)\not =(0,\dots,0)$ ; cette équation est unique à multiplication près par un réel non nul. Réciproquement, toute équation de ce type représente un hyperplan. L'hyperplan vectoriel $ \overrightarrow{H}$ (direction de $ H$) a pour équation $ \sum\limits_{i=1}^n a_ix_i=0$ dans la base $ (\vec{e}_1,\dots,\vec{e}_n)$ de $ \overrightarrow{E}$.

Il en résulte que deux hyperplans $ H$ et $ H'$, d'équations respectives $ a_0+\sum\limits_{i=1}^n a_i x_i=0$ et $ a'_0+\sum\limits_{i=1}^n a'_i x_i=0$, sont parallèles si et seulement si les $ n$-uplets $ (a_1,\dots,a_n)$ et $ (a'_1,\dots,a'_n)$ de réels sont proportionnels.

Démonstration : Soit $ H$ un hyperplan de $ E$, $ B$ un point de $ H$ de coordonnées $ (b_1,\dots,b_n)$ dans le repère $ \mathcal R$, et $ a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$, où les $ a_i$ sont des réels non tous nuls, une équation de l'hyperplan vectoriel $ \overrightarrow{H}$ dans la base $ (\vec{e}_1,\dots,\vec{e}_n)$ de $ \overrightarrow{E}$. Un point $ M$ de $ E$ de coordonnées $ (x_1,\dots,x_n)$ appartient à $ H$ si et seulement si le vecteur $ \overrightarrow{BM}$ appartient à $ \overrightarrow{H}$, i.e. si et seulement si $ a_1 (x_1-b_1)+\dots +a_n (x_n-b_n)=0$. Il en résulte que $ a_0+a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$, où $ a_0=-a_1 b_1- \dots -a_n b_n$, est une équation de $ H$ dans le repère $ \mathcal R$.

Réciproquement, soient $ a_0,a_1,\dots,a_n$ des réels vérifiant $ (a_1,\dots,a_n)\not =(0,\dots,0)$ et $ B$ un point de coordonnées $ (b_1,\dots,b_n)$ vérifiant $ a_0+a_1 b_1+\dots +a_n b_n=0$ (un tel point existe puisque $ a_1,\dots,a_n$ ne sont pas tous nuls). L'équation $ a_0+a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$ s'écrit encore $ a_1 (x_1-b_1)+\dots +a_n (x_n-b_n)=0$ et signifie que le vecteur $ \overrightarrow{BM}$ appartient à l'hyperplan vectoriel $ \overrightarrow{H}$ d'équation $ a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$. Cette équation est donc celle de l'hyperplan affine passant par $ B$ et de direction $ \overrightarrow{H}$.

Deux hyperplans affines d'équations $ a_0+a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$ et $ a'_0+a'_1 x_1+\dots +a'_n x_n=0$ sont parallèles s'ils ont même direction, i.e. si les hyperplans vectoriels d'équations $ a_1 x_1+\dots +a_n x_n=0$ et $ a'_1 x_1+\dots +a'_n x_n=0$ sont confondus, ou encore si et seulement si les $ n$-uplets $ (a_1,\dots,a_n)$ et $ (a'_1,\dots,a'_n)$ de réels sont proportionnels. Ils sont confondus si $ (a_0,a_1,\dots,a_n)$ et $ (a'_0,a'_1,\dots,a'_n)$ sont proportionnels, sinon ils sont strictement parallèles.$ \square$

Equations de droites et de plans en dimensions 2 et 3

Une droite a donc, dans un repère cartésien du plan, une équation de la forme $ ax+by+c=0$, avec $ (a,b)\not =(0,0)$, et un plan, dans un repère cartésien de l'espace, une équation de la forme $ ax+by+cz+d=0$, avec $ (a,b,c)\not =(0,0,0)$.

Attention : une droite de l'espace est représentée par un système de deux équations (celles de deux plans distincts la contenant).

2) Coordonnées barycentriques

Une autre façon de repérer les points dans un espace affine consiste à les écrire comme barycentres de points d'un repère : par exemple, si $ A$ et $ B$ sont deux points distincts d'une droite $ D$, tout point de $ D$ s'écrit comme barycentre de $ A$ et $ B$, et cette écriture est unique à condition de normaliser les coefficients en imposant à leur somme de valoir 1.

Proposition 11   Soient $ A_0,A_1,\dots,A_n$ $ n+1$ points d'un espace affine $ E$ de dimension $ n$. Les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
(i)
les vecteurs $ \overrightarrow{A_0A_1},\overrightarrow{A_0A_2},\dots,\overrightarrow{A_0A_n}$ constituent une base de $ \overrightarrow{E}$ ;
(ii)
aucun des points $ A_0,A_1,\dots,A_n$ n'appartient au sous-espace affine engendré par les autres.

Démonstration : Si (i) est vérifiée, et si $ A_0$ appartenait au sous-espace affine engendré par $ A_1,\dots,A_n$, $ A_0$ serait barycentre des points $ A_1,\dots,A_n$ affectés de coefficients $ \lambda_1,\dots,\lambda_n$ de somme non nulle (proposition 8), d'où $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{A_0A_i}=\vec{0}$ ; la famille $ \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n}$ ne serait donc pas libre, ce qui contredirait (i).

De même, si (i) était vérifiée, et si $ A_i$ appartenait au sous-espace affine engendré par $ A_0,\dots,A_{i-1},A_{i+1},\dots,A_n$, $ A_i$ serait barycentre de ces points affectés de coefficients $ \lambda_0,\dots,\lambda_{i-1},\lambda_{i+1},\dots,\lambda_n$ de somme non nulle ; le vecteur $ \overrightarrow{A_0A_i}$ serait donc combinaison linéaire des vecteurs $ \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_{i-1}},\overrightarrow{A_0A_{i+1}},\dots,\overrightarrow{A_0A_n}$ et on conclut comme précédemment.

On a donc montré que (i) impliquait (ii).

Si (i) n'est pas vérifiée, la famille de $ n$ vecteurs $ \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n}$ n'étant pas une base de $ E$ n'est pas libre, puisque $ n$ est la dimension de $ E$. Il existe donc des réels $ \lambda_1,\dots,\lambda_n$ non tous nuls tels que $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{A_0A_i}=\vec{0}$. Si $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\not =0$, cette relation montre que $ A_0$ est barycentre des points $ A_1,\dots,A_n$ et appartient donc au sous-espace affine engendré par ces points. Si $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i=0$, en supposant $ \lambda_1 \not = 0$ pour fixer les idées, on aurait $ \lambda_1 =-\sum\limits_{i=2}^n \lambda_i$, d'où

$\displaystyle \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{A_0A_i}=\sum\limits...
...row{A_0A_1})=\sum\limits_{i=2}^n \lambda_i \overrightarrow{A_1A_i}=\vec{0}   ,$

ce qui montre que $ A_1$ est barycentre de $ A_2,\dots,A_n$ (puisque $ \sum\limits_{i=2}^n\lambda_i=-\lambda_1\not = 0$) et appartient donc au sous-espace affine de $ E$ engendré par ces points. On a donc montré par contraposition que (ii) implique (i).$ \square$

Remarque : La condition (i) fait jouer un rôle particulier au point $ A_0$ ; l'équivalence avec la seconde condition montre qu'en fait tous les points $ A_i$ jouent le même rôle : on aurait donc pu rajouter dans l'énoncé $ n$ conditions équivalentes à la première en permutant $ A_0$ avec l'un des points $ A_1,\dots,A_n$.

Définition 11   On appelle repère affine de $ E$ toute famille $ (A_0,\dots,A_n)$ de points de $ E$ vérifiant les conditions précédentes.

Attention : un repère affine d'un espace affine $ E$ de dimension $ n$ est donc une famille de $ n+1$ points de $ E$ (2 points distincts pour une droite, les sommets d'un triangle non aplati pour un plan, les sommets d'un tétraèdre non aplati pour l'espace de dimension 3).

Proposition 12   Soit $ (A_0,\dots,A_n)$ un repère affine d'un espace affine $ E$. Pour tout point $ M$ de $ E$, il existe une unique famille $ (\alpha_0,\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ de réels de somme 1 telle que $ M$ soit le barycentre de la famille pondérée $ (A_i,\alpha_i)_{i=0,1,\dots,n}$.

Démonstration : Soit $ (\alpha_0,\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ une famille de réels de somme 1. Le point $ M$ est barycentre du système pondéré $ (A_i,\alpha_i)_{i=0,1,\dots,n}$ si et seulement si $ \overrightarrow{A_0M}=\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i \overrightarrow{A_0A_i}$. Or la famille $ (\overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n})$ étant une base de $ \overrightarrow{E}$, il existe un $ n$-uplet $ (\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ de réels et un seul tel que $ \overrightarrow{A_0M}=\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i \overrightarrow{A_0A_i}$. Le point $ M$ est donc barycentre du système pondéré $ (A_i,\alpha_i)_{i=0,1,\dots,n}$ $ \alpha_0=1-\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i$. Si $ M$ est barycentre du système pondéré $ (A_i,\alpha'_i)_{i=0,1,\dots,n}$ avec $ \sum\limits_{i=0}^n \alpha'_i=0$, alors $ \overrightarrow{A_0M}=\sum\limits_{i=1}^n \alpha'_i \overrightarrow{A_0A_i}$, d'où $ \alpha'_i=\alpha_i$ pour $ i=1,\dots,n$ et $ \alpha'_0=1-\sum\limits_{i=1}^n \alpha'_i=1-\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i=\alpha_0$.$ \square$

Définition 12   Les coefficients $ (\alpha_0,\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ définis dans la proposition 12 sont appelés coordonnées barycentriques de $ M$ dans le repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$.

Le point $ M$ s'écrit donc $ M=\sum\limits_{i=0}^n \alpha_i A_i$, avec $ \sum\limits_{i=0}^n \alpha_i=1$. Par homogénéité du barycentre, $ M$ est aussi barycentre du système $ (A_i, \lambda \alpha_i)_{i=0,\dots,n}$ pour tout réel non nul $ \lambda$. On dit parfois que les $ \lambda \alpha_i$ constituent un système de coordonnées barycentriques homogènes de $ M$ dans le repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$ ; les $ \alpha_i$ sont alors appelés coordonnées barycentriques réduites ou normalisées de $ M$ dans ce repère.

La figure GeoGebra donne les coordonnées barycentriques normalisées du point $ M$ dans le repère affine $ (A,B,C)$. Vous pouvez déplacer le point $ M$ et déformer le triangle $ ABC$. installer Java.

La démonstration de la proposition 12 montre que l'on passe très facilement des coordonnées cartésiennes dans un repère $ (A_0, \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n})$ aux coordonnées barycentriques dans le repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$ : si $ (x_1,\dots,x_n)$ sont les coordonnées cartésiennes de $ M$ dans le repère $ (A_0, \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n})$, alors $ (1-\sum\limits_{i=1}^n x_i,x_1,\dots,x_n)$ sont les coordonnées barycentriques de $ M$ dans le repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$.

Réciproquement, si $ (\alpha_0,\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ sont les coordonnées barycentriques de $ M$ dans le repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$, les coordonnées cartésiennes de $ M$ dans le repère cartésien $ (A_0, \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n})$ sont $ (\alpha_1,\dots,\alpha_n)$.

On en déduit immédiatement l'équation barycentrique d'un hyperplan affine.

Proposition 13   Soit $ E$ un espace affine de dimension $ n$ rapporté à un repère affine $ (A_0,\dots,A_n)$ et $ (\alpha_0,\alpha_1,\dots,\alpha_n)$ les coordonnées barycentriques dans ce repère d'un point générique $ M$ de $ E$. Tout hyperplan affine de $ E$ admet une équation barycentrique de la forme $ \sum\limits_{i=0}^n b_i \alpha_i =0$, où $ (b_0,b_1,\dots,b_n)$ est une famille de réels non tous égaux. Cette équation est unique à multiplication près par un réel non nul. Réciproquement, toute équation de ce type est celle d'un hyperplan affine.

Démonstration : On a vu à la proposition 10 que tout hyperplan affine admettait dans le repère cartésien $ (A_0, \overrightarrow{A_0A_1},\dots,\overrightarrow{A_0A_n})$ une équation de la forme $ a_0+\sum\limits_{i=1}^n a_i x_i=0$, où $ a_1,\dots,a_n$ sont des réels non tous nuls et $ (x_1,\dots,x_n)$ les coordonnées cartésiennes d'un point générique $ M$. En remarquant que $ \alpha_i=x_i$ pour $ i=1,\dots,n$ et $ \sum\limits_{i=0}^n \alpha_i=1$, cette équation s'écrit

$\displaystyle a_0 \sum\limits_{i=0}^n \alpha_i + \sum\limits_{i=1}^n a_i \alpha_i= \sum\limits_{i=0}^n b_i\alpha_i=0$

en posant $ b_0=a_0$ et $ b_i=a_0+a_i$ pour $ i=1,\dots,n$. La condition « $ a_1,\dots,a_n$ non tous nuls»équivaut à « $ b_0,b_1,\dots,b_n$ non tous égaux».$ \square$

On remarque que cette équation est valable tant pour des coordonnées barycentriques normalisées ( $ \sum\limits_{i=0}^n \alpha_i=1$) que pour des coordonnées barycentriques quelconques ( $ \sum\limits_{i=0}^n \alpha_i \not =0$).


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