Corrigé du devoir

Questions de cours :
  1. On appelle triplet naturel un triplet $ (O,\mathcal{N},s)$, où $ \mathcal{N}$ est un ensemble, $ O$ un élément de $ \mathcal{N}$ et $ s$ une application de $ \mathcal{N}$ dans $ \mathcal{N}$ qui vérifie les trois axiomes de Peano :
    $ (P_1)$
    $ s$ est injective,
    $ (P_2)$
    $ s(\mathcal{N})=\mathcal{N}\setminus\{O\}$,
    $ (P_3)$
    Si $ A$ est une partie de $ \mathcal{N}$ telle que si $ O\in A$ et $ s(A)\subset A$ alors $ A=\mathcal{N}$.
  2. L'application $ f_{12}$ est définie pour $ O_1$, puisque $ f_{12}(O_1)=O_2$. Si elle est définie pour $ x\in \mathcal{N}_1$, alors elle est définie pour $ s_1(x)$ par $ f_{12}(s_1(x)) = s_2(f_{12}(x))$. D'après l'axiome de récurrence, $ f_{12}$ est donc définie pour tout $ x\in \mathcal{N}_1$. De même, en permutant les indices $ 1$ et $ 2$, on définit $ f_{21}$ sur $ \mathcal{N}_2$ par $ f_{21}(O_2)=O_1$ et $ f_{21}(s_2(y))=s_1(f_{21}(y))$. Considérons sur $ \mathcal{N}_1$ la propriété $ f_{21}(f_{12}(x))=x$. Elle est vraie pour $ x=O_1$. Supposons qu'elle soit vraie pour $ x$, alors :

    $\displaystyle f_{21}(f_{12}(s_1(x)))
=f_{21}(s_2(f_{12}(x)))
=s_1(f_{21}(f_{12}(x)))
=s_1(x)\;.
$

    Par l'axiome de récurrence, la propriété est vraie pour tout $ x$: les applications $ f_{12}$ et $ f_{21}$ sont réciproques l'une de l'autre et elles sont donc bijectives.
  3. La relation $ \leqslant$ est définie à partir de l'addition par:

    $\displaystyle \forall (a,b)\in \mathbb{N}^2\;,\quad
(a\leqslant b)\;\Longleftrightarrow\;
\Big( \exists c\in \mathbb{N} ,\;b=a+c\Big)\;.
$

  4. La relation $ \leqslant$ est :
  5. Pour tout $ a\in\mathbb{N}$, $ 0+a=a$ : il s'ensuit que $ 0\leqslant a$, donc 0 est le plus petit élément de $ \mathbb{N}$. Soit $ A$ une partie non vide de $ \mathbb{N}$. Si $ A$ contient 0, alors 0 est le plus petit élément de $ A$. Sinon, notons $ B$ l'ensemble des minorants de $ A$ n'appartenant pas à $ A$ :

    $\displaystyle B=\{ b\in \mathbb{N}\setminus A ,\; b\leqslant a ,\;\forall a\in A \}\;.
$

    L'ensemble $ B$ contient 0. D'après l'axiome de récurrence, si pour tout $ b\in B$, $ s(b)$ appartenait à $ B$, alors $ B$ serait égal à $ \mathbb{N}$ et $ A$ serait vide, ce qui est exclu. Donc il existe $ b\in \mathbb{B}$ tel que $ s(b)\in A$. Nous allons vérifier que $ \forall a\in A$, $ s(b)\leqslant a$, ce qui entraîne que $ s(b)$ est le plus petit élément de $ A$. Soit $ a$ un élément quelconque de $ A$. Par définition de $ B$, $ b\leqslant a$, donc il existe $ c\in\mathbb{N}$ tel que $ a=b+c$. Or $ c\neq 0$ car $ b\notin A$, donc $ b\neq a$. Donc il existe $ d$ tel que $ c=s(d)=d+1$. Donc $ a=b+(d+1)=(b+1)+d=s(b)+d$, soit $ s(b)\leqslant a$.
  6. Supposons que $ \mathbb{N}$ possède un plus grand élément $ N$. Alors $ s(N)=N+1$ vérifie $ N\leqslant s(N)$, par définition de la relation d'ordre, et comme $ N$ est le plus grand élément de $ \mathbb{N}$, $ s(N)\leqslant N$ et donc $ N=s(N)$, c'est-à-dire $ N=N+1$ et par régularité de $ N$ pour l'addition $ 0=1=s(0)$, ce qui est faux car $ s$ est injective.
  7. Soit $ A$ une partie non vide, majorée de $ \mathbb{N}$. Si $ b$ est un majorant de $ A$, alors pour tout $ a\in A$, il existe $ c\in\mathbb{N}$ tel que $ b=a+c$, donc $ s(b)=a+(c+1)$: $ s(b)$ est aussi un majorant de $ A$. Par l'axiome de récurrence, l'ensemble des majorants de $ A$, contient $ \{b+c ,\;c\in \mathbb{N}\}$. Or cet ensemble n'est pas majoré, car $ \mathbb{N}$ ne l'est pas, donc il ne peut pas être inclus dans $ A$: il existe un majorant de $ A$ qui n'appartient pas à $ A$. Notons $ B$ l'ensemble des majorants de $ A$ n'appartenant pas à $ A$ :

    $\displaystyle B=\{ b\in \mathbb{N}\setminus A ,\; a\leqslant b ,\;\forall a\in A \}\;.
$

    Puisque cet ensemble est non vide, il possède un plus petit élément: notons-le $ b$. Le plus petit élément de $ B$ est non nul, car $ A$ est non vide. Il existe donc $ c$ tel que $ b=s(c)$. Nous devons montrer que $ c$ est le plus grand élément de $ A$, c'est-à-dire que c'est un majorant, et qu'il appartient à $ A$. Puisque $ s(c)\in B$, $ a\leqslant s(c)$ et $ a\neq s(c)$ pour tout $ a\in A$. Si $ a\in A$, il existe donc $ d\in\mathbb{N}^*$ tel que $ s(c)=a+d$, avec $ d=s(e)=e+1$ et par conséquent, grâce à l'associativité de l'addition, $ c+1=a+(e+1)=(a+e)+1$ et, par régularité de $ 1$ pour $ +$, $ c=a+e$, soit $ a\leqslant c$. Mais alors $ c\in A$ car sinon il serait dans $ B$ ce qui contredirait la définition de $ b$ comme plus petit élément de $ B$, puisque $ b=s(c)$.

Exercice 1 :  
  1. $ \mathcal{N}$ est non vide, donc il possède un plus petit élément d'après $ (O_1)$.
  2. Pour tout $ (a,b)\in \mathcal{N}$, l'ensemble $ \{a,b\}$ possède un plus petit élément, d'après $ (O_1)$. Donc $ a\prec b$ ou $ b\prec a$ : l'ordre $ \prec$ est total.
  3. Considérons l'ensemble $ A$ des majorants stricts de $ a$ :

    $\displaystyle A = \{ b\in\mathcal{N}\setminus\{a\} ,\;a\prec b \}\;.
$

    Si $ A$ était vide, puisque l'ordre $ \prec$ est total, $ a$ serait un majorant de $ \mathcal{N}$, ce qui est impossible d'après $ (O_3)$. Donc $ A$ est non vide, et admet un plus petit élément d'après $ (O_1)$. Notons-le $ b$. Par construction, $ a\prec b$ et $ a\neq b$. Soit $ n\in\mathcal{N}$ tel que $ a\prec n\prec b$ et $ n\neq a$. Alors $ n\in A$ et donc $ b\prec n$ puisque $ b$ est le plus petit élément de $ A$. Donc $ n=b$. Reste à montrer l'unicité. Soient $ b_1$ et $ b_2$ deux éléments de $ \mathcal{N}$ qui répondent à la définition : il n'existe aucun $ n\in\mathcal{N}$ tel que $ a\prec n\prec b_1$ avec $ n\neq a$ et $ n\neq b_1$. Puisque $ a\prec b_2$ et $ a\neq b_2$, cela entraîne que $ b_1\prec b_2$ (car l'ordre est total). Par symétrie, $ b_2\prec b_1$, donc $ b_1=b_2$.
  4. Supposons $ a\prec b$ et $ a\neq b$. Alors $ s(a)\prec b$ car $ s(a)$ est le plus petit des majorants stricts de $ a$. Or $ b\leqslant s(b)$ par définition de $ s$, donc $ s(a)\prec s(b)$ car $ \prec$ est transitive. Si $ s(b)$ était égal à $ s(a)$, alors on aurait $ a\prec b\prec s(a)$ avec $ a\neq b$ et $ b\neq s(a)$, ce qui est exclu. Donc $ s(b)\neq s(a)$ : $ s$ est strictement croissante.
  5. Comme $ s$ est strictement croissante, elle est injective, et il suffit de montrer que $ s(\mathcal{N})=\mathcal{N}\setminus\{O\}$. Commençons par vérifier que $ O$ n'est le successeur d'aucun élément de $ \mathcal{N}$. Soit $ a$ tel que $ s(a)=O$. Alors $ a\prec O$ par définition de $ s$, donc $ a=O$ car $ O$ est le plus petit élément de $ \mathcal{N}$. Ceci contredit la définition de $ s$. Nous devons maintenant montrer que pour tout élément $ a$ de $ \mathcal{N}$ différent de $ O$, il existe $ b\in\mathcal{N}$, tel que $ a=s(b)$. Considérons pour cela l'ensemble des minorants stricts de $ a$ :

    $\displaystyle B=\{ b\in \mathbb{N}\setminus \{a\} ,\; b\prec a \}\;.
$

    Puisque $ a\neq O$, $ B$ contient $ O$. C'est donc un sous-ensemble non vide de $ \mathcal{N}$, majoré par $ a$. Par $ (O_2)$, il possède un plus grand élément. Notons-le $ b$. Nous devons prouver que $ s(b)=a$. Par construction, $ b\prec a$ et $ b\neq a$. Soit $ n$ tel que $ b \prec n\prec a$ avec $ n\neq a$. Par définition $ n\in B$, donc $ n\prec b$ car $ b$ est le plus grand élément de $ B$. Donc $ n=b$. Par définition de $ s$, $ s(b)=a$.
  6. Notons $ B$ le complémentaire de $ A$, et supposons $ B$ non vide. D'après $ (O_1)$, $ B$ possède un plus petit élément. Notons-le $ b$. Nécessairement $ b\neq O$ car $ O\in A$. Donc il existe $ a\in\mathcal{N}$ tel que $ b=s(a)$. Par définition de $ s$, $ a\neq b$ et $ a\prec b$. Puisque $ b$ est le plus petit élément de $ B$, $ a\notin B$, donc $ a\in A$. Mais l'hypothèse entraîne que $ s(a)\in A$, ce qui contredit la définition de $ b$. Donc $ B$ est vide et $ A=\mathcal{N}$.
  7. Nous avons montré que $ s$ est injective à la question 4, que $ s(\mathcal{N})=\mathcal{N}\setminus\{0\}$ à la question 5, et que l'axiome de récurrence est vérifié à la question 6. Le triplet $ (O,\mathcal{N},s)$ vérifie les 3 axiomes de Peano, c'est donc un triplet naturel.

Exercice 2 :  
  1. En supposant que $ \mathbb{R}$ a été défini, et muni de sa relation d'ordre total $ \leqslant$ compatible avec l'addition, alors 0 (élément neutre pour l'addition) est inférieur ou égal à $ 1$ (élément neutre pour la multiplication). Donc pour tout $ x\in \mathbb{R}^+$,

    $\displaystyle 0\leqslant x = x+0 \leqslant x+1\;,$

    donc $ \mathbb{R}^+$ est une partie inductive.
  2. Si $ K$ est un sous-anneau de $ \mathbb{R}$, il contient les éléments neutres pour l'addition et la multiplication, 0 et $ 1$. Pour tout $ x\in K$, $ x+1\in K$, car $ K$ est stable pour l'addition : $ K$ est une partie inductive.
  3. Si $ x$ appartient à chacun des $ U_i$, alors $ x+1$ appartient à chacun des $ U_i$, donc à leur intersection.
  4. Par définition, si $ U$ est une partie inductive de $ \mathbb{R}$, alors $ s(U)\subset U$. En particulier, $ s(\mathcal{N})\subset \mathcal{N}$ puisque l'intersection de toutes les parties inductives est une partie inductive d'après la question précédente. Si $ s(\mathcal{N})$ contenait 0, ce serait une partie inductive, donc $ s(\mathcal{N})$ serait égal à $ \mathcal{N}$ d'après la définition de $ \mathcal{N}$. Dans ce cas, $ \mathcal{N}$ contiendrait le sous-anneau de $ \mathbb{R}$ engendré par 0 et $ 1$. Mais d'après les questions 1, 2 et 3, l'intersection de ce sous-anneau avec $ \mathbb{R}^+$ est encore une partie inductive, qui contient donc $ \mathcal{N}$ : c'est une contradiction. Donc $ s(\mathcal{N})\subset \mathcal{N}\setminus \{0\}$. Réciproquement, soit $ x\in \mathcal{N}\setminus\{ 0\}$ tel que $ x\notin s(\mathcal{N})$. Alors $ \mathcal{N}\setminus \{x\}$ contient 0 et $ s(\mathcal{N}\setminus \{x\})\subset \mathcal{N}\setminus \{x\}$ : c'est une partie inductive strictement incluse dans $ \mathcal{N}$, ce qui contredit la définition de $ \mathcal{N}$. Donc $ s(\mathcal{N})=\mathcal{N}\setminus\{0\}$.

  5. Si $ 0\in A$ et $ s(A)\subset A$, alors $ A$ est une partie inductive, donc $ \mathcal{N}\subset A$, par définition de $ \mathcal{N}$. Si de plus $ A\subset \mathcal{N}$, alors $ A=\mathcal{N}$.
  6. L'application $ s$ est injective (régularité de l'addition dans $ \mathbb{R}$), $ s(\mathcal{N})=\mathcal{N}\setminus\{0\}$ (question 4) et l'axiome de récurrence est vérifié (question 5). Le triplet $ (0,\mathcal{N},s)$ vérifie les 3 axiomes de Peano, c'est donc un triplet naturel.


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