Fractions continues

Voici une autre situation où l'on rencontre des suites adjacentes comme approximations numériques d'un réel. Nous allons construire par récurrence une suite de rationnels $ (u_n)$ qui encadrent un réel $ x$ de manière optimale, en un sens qui sera précisé plus loin.

On construit d'abord une suite d'entiers $ (a_n)$ de la façon suivante. Soit $ (a_0)$ la partie entière de $ x$. On calcule l'inverse de la partie décimale, $ 1/D(x)$ qui est un réel supérieur à $ 1$. On note $ a_1$ sa partie entière. On itère ensuite le procédé, en prenant pour chaque entier la partie entière de l'inverse de la partie décimale. Voici ce que cela donne pour $ x=\pi$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lll}
a_0 = \lfloor \pi \rfloor &= 3 & d_0=\pi-...
...x]
a_5 = \lfloor 1/d_4 \rfloor &= 1 & d_5=1/d_4-a_5
\end{array}\end{displaymath}

Vous pourrez vérifier que la suite $ (a_n)$ associée à $ \sqrt{2}$ est $ (1,2,2,2,\ldots)$. La suite associée au nombre d'or $ \phi=(1+\sqrt{5})/2$ est $ (1,1,1,1,\ldots)$. La suite des entiers $ a_0,a_1,a_2,\ldots$ étant donnée, on fabrique une suite de rationnels $ u_n$ en reprenant le processus à l'envers.

$\displaystyle u_0=a_0 ,\;u_1=a_0+\frac{1}{a_1} ,\;
u_2=a_0+\frac{1}{\displaystyle{a_1+\frac{1}{a_2}}}\;.
$

Le terme général $ u_n$ est

$\displaystyle u_n = a_0+\frac{1}{\displaystyle{a_1+
\frac{1}{\displaystyle{a_2+\frac{1}{\ddots+\displaystyle{\frac{1}{a_n}}}}}}}
$

Le terme «fraction continue» est assez clair. Il n'y a pourtant pas de rapport direct avec les fonctions continues. Il vaudrait mieux dire, comme en anglais, «fraction continuée». Voici les premiers termes de la suite $ (u_n)$ pour $ x=\pi$, et la valeur numérique de $ \pi-u_n$. Le premier terme $ u_1=22/7$ était déjà connu d'Archimède comme approximation de $ \pi$. Le troisième, $ 355/113$ a été proposé par Adrien Métius en 1624. Les Chinois, tel Zu Zhong Chi au Ve siècle, connaissaient ces deux approximations. L'exemple tel que nous le présentons, figure dans un texte écrit par Leonhard Euler (1707-1783) en 1748.

\begin{displaymath}
\begin{array}{\vert c\vert cr\vert}
\hline
n&u_n&\multicolum...
...frac{104348}{33215}& -0.0000000003\ [1.5ex]
\hline
\end{array}\end{displaymath}

Les $ u_n$ s'approchent rapidement de $ \pi$, et de plus ils encadrent la valeur exacte : les deux sous-suites $ (u_{2k})$ et $ (u_{2k+1})$ sont adjacentes. On démontre le résultat suivant.

Théorème 11   Soit $ x$ un réel et $ (u_n)$ la suite des fractions continues associée à $ x$. Les deux suites $ (u_{2k})$ et $ (u_{2k+1})$ sont adjacentes et convergent vers $ x$.

Pour tout $ n$, notons $ h_n$ et $ b_n$ les deux entiers premiers entre eux tels que $ u_n=h_n/b_n$. Alors :

$\displaystyle \frac{1}{b_n(b_{n+1}+b_n)}<\left\vert x-\frac{h_n}{b_n}\right\vert
<\frac{1}{b_nb_{n+1}}\;.
$

Cet encadrement montre que l'erreur commise en approchant $ x$ par $ u_n$ est majoré par l'inverse du carré du dénominateur. La taille du dénominateur est en quelque sorte le prix que l'on accepte de payer pour une approximation rationnelle de $ x$. On démontre que parmi les rationnels dont le dénominateur est inférieur ou égal à $ b_n$, c'est $ u_n$ qui est le plus proche de $ x$. L'approximation par fractions continues est donc la meilleure possible.

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