Rayon de convergence

Définition 1   On appelle série entière une série du type

$\displaystyle \sum a_n z^n\;,
$

$ (a_n)_{n\in\mathbb{N}}$ est une suite de réels ou de complexes, et $ z$ désigne une variable complexe. La somme est la fonction qui à tout complexe $ z$ tel que $ \sum a_n  z^n$ converge, associe

$\displaystyle f(z) = \sum_{n=0}^{+\infty} a_n z^n\;.
$

Les deux exemples de base de séries entières sont la série géométrique et la série exponentielle. Nous verrons par la suite que beaucoup de séries usuelles se ramènent à l'une ou à l'autre. Série géométrique :

$\displaystyle \forall z ,\;\vert z\vert<1\;,\quad \frac{1}{1-z}=\sum_{n=0}^{+\infty}z^n =
1+z+\cdots+z^n+\cdots
$

Série exponentielle :

$\displaystyle \forall z\in\mathbb{C}\;,\quad \exp(z)=\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{z^n}{n!} =
1+z+\frac{z^2}{2}+\cdots+\frac{z^n}{n!}+\cdots
$

Le calcul de la somme de la série géométrique est facile, grâce à l'expression explicite des sommes partielles. Le fait que la somme de la série exponentielle soit $ \exp(z)$ n'est pas évident. Deux points de vue sont possibles.
  1. Après avoir démontré que la série converge pour tout $ z$, on peut définir l'exponentielle complexe comme la somme de cette série. À partir des résultats sur les séries entières que nous allons établir, on peut alors démontrer toutes les propriétés classiques de l'exponentielle.
  2. Il existe d'autres définitions de l'exponentielle. On peut par exemple la définir sur $ \mathbb{R}$ comme la fonction inverse du logarithme népérien, qui lui-même est défini comme la primitive de $ \frac{1}{x}$ qui s'annule en $ 1$; on étend ensuite la définition à $ \mathbb{C}$ tout entier. On peut alors démontrer que $ \exp(z)$ est la somme de la série exponentielle.
Étant donnée une série entière $ \sum a_n  z^n$, la première question est celle de son domaine de convergence, à savoir l'ensemble des complexes $ z$ tels que la série converge. On utilise pour cela le théorème suivant qui exprime une propriété très particulière d'une série entière, liée aux disques du plan complexe centrés en 0. Si $ r$ est un réel positif, on note $ D_r$ le disque ouvert de centre 0 et de rayon $ r$.

$\displaystyle D_r = \{z\in\mathbb{C} ,\; \vert z\vert<r\}\;.
$

Théorème 1   Soit $ r$ un réel strictement positif. S'il existe $ M$ tel que pour tout $ n$ $ \vert a_n\vert r^n<M$, alors pour tout $ z\in D_r$, la série entière $ \sum a_n  z^n$ est absolument convergente.

Deux possibilités existent donc : soit $ \vert a_n\vert r^n$ est borné, et la série converge sur $ D_r$, soit $ \vert a_n\vert r^n$ n'est pas borné. Rappelons que le terme général d'une série convergente tend vers 0. Donc si $ \vert a_n\vert r^n$ est borné, alors $ \vert a_n\vert {r'}^n$ tend vers 0 pour tout $ r'<r$, et en particulier $ \vert a_n\vert {r'}^n$ est aussi borné. Démonstration : Écrivons :

$\displaystyle \vert a_n z^n\vert = \vert a_n\vert r^n \left\vert\frac{z^n}{r^n}\right\vert
\leqslant M\left\vert\frac{z^n}{r^n}\right\vert\;.
$

Si $ \vert z\vert<r$, $ \left\vert\frac{z}{r}\right\vert<1$ et la série $ \sum M\left\vert\frac{z^n}{r^n}\right\vert$ converge. D'où le résultat par le théorème de comparaison des séries. $ \square$

Définition 2   On appelle rayon de convergence de la série entière $ \sum a_n  z^n$ le réel $ R$ défini par :

$\displaystyle R = \sup\{ r\geqslant 0 ,\; (\vert a_n\vert r^n)$    est bornée$\displaystyle \}\;.
$

Le disque $ D_R$ est appelé disque de convergence de la série entière $ \sum a_n r^n$.

Rappelons que toute partie majorée de $ \mathbb{R}$ admet une borne supérieure finie, et que par convention, la borne supérieure d'une partie non majorée est $ +\infty$. Le disque de convergence $ D_R$ est le plus grand disque (ouvert) tel que $ \sum a_n  z^n$ converge à l'intérieur de ce disque. Par définition de la borne supérieure, si $ r>R$, la suite $ (\vert a_n\vert r^n)$ n'est pas bornée, elle ne peut donc pas tendre vers 0 : si $ \vert z\vert>R$, la série $ \sum a_n  z^n$ diverge (voir figure 1). Nous n'étudierons pas en détail ce qui se passe pour $ \vert z\vert=R$, car la situation est compliquée : tous les cas sont possibles. En voici un exemple. Pour tout réel $ \alpha$, la série

$\displaystyle \sum n^\alpha z^n
$

a pour rayon de convergence $ R=1$. En effet $ n^\alpha r^n$ tend vers 0 pour $ r<1$, vers $ +\infty$ pour $ r>1$. La série entière $ \sum
n^\alpha z^n$ converge pour $ \vert z\vert<1$, diverge pour $ \vert z\vert>1$. Considérons maintenant un nombre complexe $ z$ de module $ 1$ : $ z=\mathrm{e}^{\mathrm{i}\theta}$.
$ \bullet$
Si $ \alpha\geqslant 0$, la série $ \displaystyle{\sum
n^{\alpha} \mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}}$ diverge.
$ \bullet$
Si $ \alpha<-1$, la série $ \displaystyle{\sum
n^{\alpha} \mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}}$ est absolument convergente.
$ \bullet$
Si $ -1\leqslant \alpha<0$, la série $ \displaystyle{\sum
n^{\alpha} \mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}}$ est convergente pour $ \theta\neq 2k\pi$, mais pas absolument convergente. Pour $ z=1$, la série $ \sum
n^{\alpha}$ diverge.
Figure 1: Disque de convergence d'une série entière.
Le rayon de convergence de la série exponentielle est infini, puisque pour tout $ r\geqslant 0$, $ \frac{r^n}{n!}$ tend vers 0. Par contre, le rayon de convergence de la série $ \sum n! z^n$ est nul, puisque pour tout $ r>0$, $ n!  r^n$ tend vers l'infini. Comme autre cas particulier, si la suite $ a_n$ est nulle au-delà du rang $ d$, alors $ \sum_{n=0}^d a_n z^n$ est un polynôme de degré $ d$, qui est défini pour tout $ z$. C'est une série de rayon de convergence infini. Le rayon de convergence de la série $ \sum a_n  z^n$ est lié aux coefficients $ a_n$ de la façon suivante.

Théorème 2   Le rayon de convergence $ R$ de la série entière $ \sum a_n r^n$ est tel que :

$\displaystyle \frac{1}{R} =
\mathop{\lim\sup}_{n\rightarrow\infty} \sqrt[n]{\v...
...ert}
=\inf_{n_0\in\mathbb{N}}\sup_{n\geqslant n_0} \sqrt[n]{\vert a_n\vert}\;.
$

Démonstration : Pour éviter les cas particuliers nous supposons que $ R$ est strictement positif et fini. Les cas $ R=0$ et $ R=+\infty$ se traitent de la même manière, avec la convention $ \frac{1}{0}=+\infty$. Examinons la suite $ (\vert a_n\vert r^n)$ dans les deux cas $ 0<r<R$ et $ r>R$.
  1. $ 0<r<R$ :
    Dans ce cas la suite $ (\vert a_n\vert r^n)$ tend vers 0, puisque la série $ \sum a_n r^n$ est absolument convergente. Donc il existe $ n_0$ tel que pour tout $ n>n_0$, $ \vert a_n\vert r^n\leqslant 1$. Or :

    $\displaystyle \vert a_n\vert r^n\leqslant 1
\;\Longrightarrow\;
\sqrt[n]{\vert...
...eqslant 1
\;\Longrightarrow\;
\sqrt[n]{\vert a_n\vert}\leqslant \frac{1}{r}\;.
$

    Mais si tous les $ \sqrt[n]{\vert a_n\vert}$ au-delà de $ n_0$ sont inférieurs à $ \frac{1}{r}$, alors $ \lim\sup \sqrt[n]{\vert a_n\vert}\leqslant \frac{1}{r}$. Comme ceci est vrai pour tout $ r<R$, on en déduit :

    $\displaystyle \mathop{\lim\sup}_{n\rightarrow\infty}\sqrt[n]{\vert a_n\vert}
\leqslant \frac{1}{R}\;.
$

  2. $ r>R$ :
    Dans ce cas la suite $ (\vert a_n\vert r^n)$ n'est pas bornée, par définition de $ R$. Donc pour tout $ N$, il existe $ n>N$ tel que $ \vert a_n\vert r^n\geqslant 1$. Or :

    $\displaystyle \vert a_n\vert r^n\geqslant 1
\;\Longrightarrow\;
\sqrt[n]{\vert...
...eqslant 1
\;\Longrightarrow\;
\sqrt[n]{\vert a_n\vert}\geqslant \frac{1}{r}\;.
$

    Mais si une infinité parmi les $ \sqrt[n]{\vert a_n\vert}$ sont supérieurs à $ \frac{1}{r}$, alors $ \lim\sup \sqrt[n]{\vert a_n\vert}\geqslant \frac{1}{r}$. Comme ceci est vrai pour tout $ r>R$, on en déduit :

    $\displaystyle \mathop{\lim\sup}_{n\rightarrow\infty}\sqrt[n]{\vert a_n\vert}
\geqslant \frac{1}{R}\;.
$

$ \square$ Le théorème 2 rappelle évidemment le critère de Cauchy. Or le critère de d'Alembert est plus facile à appliquer en général. Pour toutes les séries que l'on rencontrera en pratique, le corollaire suivant suffit à déterminer le rayon de convergence.

Corollaire 1   Soit $ (a_n)$ une suite telle que $ \left\vert\frac{a_{n+1}}{a_n}\right\vert$ converge. Le rayon de convergence de la série entière $ \sum a_n  z^n$ est tel que :

$\displaystyle \frac{1}{R} = \lim_{n\rightarrow\infty} \left\vert\frac{a_{n+1}}{a_n}\right\vert\;.
$

Ce résultat vaut aussi pour $ R=0$ et $ R=+\infty$, toujours avec la convention $ \frac{1}{0}=+\infty$. Il s'applique aux exemples que nous avons traités jusqu'ici : $ \sum n^\alpha r^n$, $ \sum \frac{z^n}{n!}$ et $ \sum n! z^n$. Démonstration : Il existe une relation entre les critères de Cauchy et d'Alembert : si $ \left\vert\frac{a_{n+1}}{a_n}\right\vert$ converge, alors $ \sqrt[n]{\vert a_n\vert}$ converge également, et la limite supérieure de $ \sqrt[n]{\vert a_n\vert}$ est sa limite.$ \square$ Retenez donc qu'une série entière converge absolument sur son disque de convergence. De plus la convergence est uniforme, sur tout disque fermé inclus dans le disque de convergence.

Proposition 1   Soit $ \sum a_nz^n$ une série entière, de rayon de convergence $ R$. Soit $ r$ un réel tel que $ 0<r<R$.

$\displaystyle \forall \varepsilon >0 ,\; \exists n_0\in\mathbb{N} ,\;\forall n>n_0 ,\;
\forall z$ t.q. $\displaystyle \vert z\vert\leqslant r \;,\quad
\left\vert\sum_{k=0}^na_nz^n - \sum_{k=0}^{+\infty} a_nz^n\right\vert<\varepsilon \;.
$

Démonstration : Elle utilise une majoration que nous avons déjà rencontrée. Fixons $ r'$ tel que $ r<r'<R$. Pour tout $ n\in\mathbb{N}$ :

$\displaystyle \vert a_nz^n\vert\leqslant \vert a_n\vert{r'}^n\frac{r^n}{{r'}^n}\leqslant M\frac{r^n}{{r'}^n}\;,
$

$ M$ est un majorant de $ \vert a_n\vert{r'}^n$ (qui existe par définition du rayon de convergence). Alors, pour tout complexe $ z$ de module inférieur ou égal à $ r$ :

$\displaystyle \left\vert\sum_{k=0}^na_nz^n - \sum_{k=0}^{+\infty} a_nz^n\right\...
...r^k}{{r'}^k}
=
\left(\frac{M r}{r'-r}\right)  \left(\frac{r}{r'}\right)^{n+1}
$

Cette majoration étant indépendante de $ z$, la convergence est bien uniforme. $ \square$


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