Racines des polynômes

Définition 13   Soit $ A$ un anneau commutatif, $ P$ un polynôme de $ A[X]$ et $ a$ un élément de $ A$. On dit que $ a$ est une racine (ou un zéro) de $ P$ lorsque $ P(a)=0$.

Le résultat qui suit est fondamental, bien que très facile.

Proposition 11   Soit $ A$ un anneau commmutatif, $ P$ un polynôme de $ A[X]$ et $ a$ un élément de $ A$. L'élément $ a$ est une racine de $ P$ si et seulement si $ X-a$ divise $ P$.

Démonstration : Supposons que $ X-a$ divise $ P$, soit $ P=(X-a)Q$. On obtient aussitôt $ P(a)=(a-a)Q(a)=0$.

Réciproquement, supposons que $ P(a)=0$. La remarque qui suit l'énoncé du théorème de division euclidienne montre que, même dans un anneau quelconque, on peut faire la division euclidienne de $ P$ par $ X-a$ ; écrivons donc $ P=Q(X-a)+R$, où le degré de $ R$ est strictement inférieur à $ 1=\deg(X-a)$ donc $ R$ est une constante $ c$.

En appliquant cette relation à $ a$, on obtient $ 0=P(a)=c$. Ainsi, $ P=(X-a)Q$ et donc $ X-a$ divise $ P$.$ \square$

Corollaire 1   Soit $ A$ un anneau commutatif intègre. Un polynôme non nul de degré $ n$ possède au plus $ n$ racines.

Démonstration : Par récurrence sur $ n$. Pour $ n=0$, un polynôme constant non nul possède évidemment zéro racine.

Soit $ n$ fixé, supposons le résultat vrai pour les polynômes de degré $ n$ ; soit maintenant $ P$ un polynôme de degré $ n+1$. Si $ P$ n'a aucune racine, le résultat est vrai pour $ P$ ; sinon soit $ a$ une racine de $ P$ ; par la proposition précédente on peut écrire $ P=(X-a)Q$ pour un polynôme $ Q$, qui est clairement de degré $ n$. Maintenant, si $ b$ est une racine de $ P$, alors $ 0=P(b)=(b-a)Q(b)$ donc $ b=a$ ou $ b$ est une racine de $ Q$ (c'est ici qu'on utilise l'hypothèse d'intégrité) ; or $ Q$ a au plus $ n$ racines, donc $ P$ en a au plus $ n+1$.$ \square$

On va ensuite définir un concept de «racine multiple».

Définition 14   Soit $ A$ un anneau commutatif, $ P$ un polynôme de $ A[X]$ et $ a$ un élément de $ A$. On dit que $ a$ est racine au moins $ k$-ième de $ P$ lorsque $ (X-a)^k$ divise $ P$ et que $ a$ est racine $ k$-ième lorsque $ a$ est racine au moins $ k$-ième sans être racine au moins $ k+1$-ième. Dans ce dernier cas, on dit que $ k$ est la multiplicité (ou l'ordre) de $ a$ comme racine de $ P$.

La dérivation des polynômes est un outil qui permet d'étudier les racines multiples. Voilà tout d'abord un énoncé concernant les racines doubles (l'énoncé concernant les racines d'ordre supérieur cache une petite subtilité et est reporté plus loin).

Proposition 12   Soit $ A$ un anneau commutatif, $ P$ un polynôme de $ A[X]$ et $ a$ un élément de $ A$. L'élément $ a$ est racine au moins double de $ P$ si et seulement s'il est simultanément racine de $ P$ et de son dérivé $ P'$.

Démonstration : Supposons $ a$ racine au moins double de $ P$ et posons $ P=(X-a)^2Q$, alors $ P'=2(X-a)Q+(X-a)^2Q'$ et il est clair que $ a$ est également racine de $ P'$.

Réciproquement, supposons $ a$ racine de $ P$ et de $ P'$. Comme $ a$ est racine de $ P$, on peut écrire $ P=(X-a)Q_1$, donc $ P'=(X-a)Q_1'+Q_1$. En appliquant cette identité à $ a$, on obtient $ Q_1(a)=0$. Donc $ Q_1$ admet lui-même $ X-a$ en facteur et peut s'écrire $ Q_1=(X-a)Q$ pour un polynôme $ Q$. Donc $ P=(X-a)^2Q$.$ \square$


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