Continuité sur un intervalle

Définition 6   Soit $ f$ une fonction définie sur un intervalle $ I$ ouvert non vide de $ \mathbb{R}$. On dit que $ f$ est continue sur $ I$ si $ f$ est continue en tout point de $ I$.

Cette définition comporte une petite ambiguïté pour les intervalles qui ne sont pas ouverts. Nous conviendrons qu'une fonction continue sur $ [a,b]$ est continue en tout point de $ ]a,b[$ et que de plus, elle est continue à droite en $ a$ et à gauche en $ b$.

Le résultat important de cette section est le théorème des valeurs intermédiaires.

Théorème 11   Soit $ I$ un intervalle de $ \mathbb{R}$ et $ f$ une fonction continue sur $ I$. Soit

$\displaystyle m=\inf \{ f(x) ,\;x\in I \}$   et$\displaystyle \quad
M=\sup \{ f(x) ,\;x\in I \}
$

Si $ m<M$, alors, pour tout réel $ y$ tel que $ m<y<M$, il existe $ c\in I$ tel que $ f(c)=y$.

La figure 3 illustre le théorème des valeurs intermédiaires. Le résultat est tout à fait intuitif : si une fonction continue prend deux valeurs distinctes sur un intervalle, elle prend nécessairement toutes les valeurs entre ces deux-là : le graphe d'une fonction continue n'a pas de saut vertical.
Figure 3: Théorème des valeurs intermédiaires.
\includegraphics[width=7cm]{valinter}
Démonstration : Par définition de la borne inférieure, et de la borne supérieure, il existe $ x_0,x_1\in I$ tels que

$\displaystyle m\leqslant f(x_0)<y<f(x_1)\leqslant M
$

Quitte à remplacer $ f$ par $ -f$, nous pouvons supposer sans perte de généralité que $ x_0<x_1$. Soit $ A$ l'ensemble des $ x\in [x_0,x_1]$ tels que $ f(x)\leqslant y$. L'ensemble $ A$ est non vide (il contient $ x_0$), et majoré par $ x_1$. Donc il admet une borne supérieure finie. Soit $ c$ cette borne supérieure.

$\displaystyle c =\sup\{  x\in [x_0,x_1]\;,f(x)\leqslant y \}
$

Nous allons démontrer que $ f(c)=y$, en utilisant la continuité de $ f$. Soit $ \varepsilon >0$. Puisque $ f$ est continue en $ c$, il existe $ \eta$ tel que $ \vert x-c\vert\leqslant \eta$ implique $ \vert f(x)-f(c)\vert\leqslant \varepsilon $. Or par définition de la borne supérieure, il existe $ x\in A$ tel que $ \vert x-c\vert\leqslant \eta$. Fixons un tel $ x$. Puisque $ \vert f(x)-f(c)\vert\leqslant \varepsilon $ et $ f(x)\leqslant y$, alors nécessairement $ f(c)\leqslant y+\varepsilon $.

Par définition de la borne supérieure, $ c$ est le plus petit des majorants de $ A$. Fixons maintenant $ x$ tel que $ c<x<c+\eta$. Alors $ x\notin A$, donc $ f(x)>y$, et $ \vert f(x)-f(c)\vert\leq
\varepsilon $. On en déduit que $ f(c)\geqslant y-\varepsilon $.

Nous avons donc démontré que pour tout $ \varepsilon >0$,

$\displaystyle y-\varepsilon \leqslant f(c)\leqslant y+\varepsilon \;,
$

ce qui entraîne $ f(c)=y$.$ \square$ Les deux résultats suivants sont des formulations équivalentes du théorème des valeurs intermédiaires.

Corollaire 2    
$ \bullet$
Si une fonction continue sur un intervalle prend des valeurs positives et des valeurs négatives, alors elle s'annule sur cet intervalle.
$ \bullet$
L'image par une application continue d'un intervalle est un intervalle.

Il est naturel de se demander si l'image par une application continue d'un intervalle est un intervalle du même type (infini, ouvert... ). Le seul résultat général concerne les intervalles fermés bornés.

Théorème 12   Soient $ a<b$ deux réels et $ f$ une fonction continue sur $ [a,b]$. Soit

$\displaystyle m=\inf \{ f(x) ,\;x\in [a,b] \}$   et$\displaystyle \quad
M=\sup \{ f(x) ,\;x\in [a,b] \}
$

Alors $ m$ et $ M$ sont finies et il existe $ x_1,x_2\in [a,b]$, tels que $ f(x_1)=m$ et $ f(x_2)=M$ :

$\displaystyle f([a,b]) = [m,M]\;.
$

Démonstration : elle utilise le théorème de Bolzano-Weierstrass, qui affirme que de toute suite $ (x_n)$, à valeurs dans l'intervalle $ [a,b]$, on peut extraire une sous-suite convergente. Nous traitons la borne supérieure $ M$, la démonstration est analogue pour $ m$. Supposons $ M=+\infty$. Pour tout $ n$, il existe $ x_n\in [a,b]$ tel que $ f(x_n)>n$. Donc la suite $ (f(x_n))$ tend vers $ +\infty$. De la suite $ (x_n)$, on peut extraire une sous-suite convergente. Soit $ c$ la limite de cette sous-suite. Par la continuité de $ f$, les images des termes de la sous-suite convergent vers $ f(c)$, ce qui contredit le fait que $ (f(x_n))$ tend vers $ +\infty$. Donc $ M$ est finie.

Puisque la borne supérieure est finie, pour tout $ n\in\mathbb{N}$, il existe $ x_n\in [a,b]$ tel que

$\displaystyle M-\frac{1}{n}< f(x_n) \leqslant M
$

Donc la suite $ (f(x_n))$ converge vers $ M$. De la suite $ (x_n)$, on peut extraire une sous-suite, convergeant vers $ c\in [a,b]$. En utilisant à nouveau la continuité, on en déduit que $ f(c)=M$.$ \square$ En général les bornes $ m$ et $ M$ sont différentes des valeurs de $ f$ en $ a$ et $ b$. Le cas des fonctions monotones est particulier. Vous avez sans doute déjà rencontré le résultat qui suit sous le nom de théorème de la bijection.

Théorème 13   Soit $ f$ une fonction continue, strictement monotone sur un intervalle $ I$.
  1. $ f(I)$ est un intervalle, dont les bornes sont les limites de $ f$ aux bornes de $ I$
  2. $ f$ est une bijection de $ I$ vers $ f(I)$
  3. la bijection réciproque $ f^{-1}$ est continue sur $ f(I)$ et strictement monotone, de même sens que $ f$.

Démonstration : Quitte à remplacer $ f$ par $ -f$, nous pouvons supposer sans perte de généralité que $ f$ est strictement croissante. Ceci entraîne que $ f$ est injective. Supposons que $ I$ soit l'intervalle ouvert $ ]a,b[$, $ a$ et $ b$ étant éventuellement infinis. La démonstration s'adapte sans problème au cas où l'intervalle est fermé d'un côté ou des deux.

Observons que pour tout $ x_0\in ]a,b[$

$\displaystyle \lim_{x\rightarrow a+} f(x) < f(x_0)< \lim_{x\rightarrow b-} f(x)
$

Posons

$\displaystyle c=\lim_{x\rightarrow a+} f(x)$   et$\displaystyle \quad d= \lim_{x\rightarrow b-} f(x)
$

Soit $ y\in ]c,d[$. D'après le théorème des valeurs intermédiaires, il existe $ x\in ]a,b[$ tel que $ f(x)=y$. Donc $ f(]a,b[)=]c,d[$, et comme $ f$ est injective, c'est une bijection de $ ]a,b[$ vers $ ]c,d[$. Pour tout $ x_1,x_2\in ]a,b[$,

$\displaystyle x_1<x_2\;\Longleftrightarrow\; f(x_1)<f(x_2)
$

Donc la bijection réciproque $ f^{-1}$ est elle-aussi strictement croissante. Il reste à démontrer qu'elle est continue. Soit $ y_0\in ]c,d[$ et $ x_0=f^{-1}(y_0)$. Soit $ \varepsilon >0$ tel que

$\displaystyle a<x_0-\varepsilon <x_0<x_0+\varepsilon <b
$

Posons $ y_1=f(x_0-\varepsilon )$ et $ y_2=f(x_0+\varepsilon )$. Alors $ y_1<y_0<y_2$. Soit $ \eta=\min\{ y-y_1,y_2-y\}$. Pour tout $ y$ tel que $ \vert y-y_0\vert\leqslant \eta$, on a $ y_1\leqslant y\leqslant y_2$, donc $ x_0-\varepsilon \leqslant f^{-1}(y)\leq
x_0+\varepsilon $. D'où le résultat. $ \square$ Si $ f$ est bijective, à tout couple $ (x,f(x))$ du graphe de $ f$, correspond le couple $ (f(x),x)$ du graphe de $ f^{-1}$ : les deux graphes se déduisent l'un de l'autre par la transformation $ (x,y)\mapsto (y,x)$, qui est la symétrie par rapport à la première bissectrice (figure 4).

Figure 4: Graphe d'une bijection monotone et de sa réciproque.
\includegraphics[width=7cm]{reciproque}

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