Perspective centrale et géométrie projective

Que ce soit sur le papier ou sur un écran d'ordinateur, une figure de l'espace est toujours représentée par une figure plane, c'est-à-dire par une projection de cette figure sur un plan.

Si on considère que l'\oeil de l'observateur est situé infiniment loin, les rayons projetant les différents points sont tous parallèles. La projection ainsi obtenue est donc une projection affine sur un plan, qu'on appelle aussi projection parallèle, en raison du parallélisme des projetantes, ou projection cylindrique, car les droites projetant le contour apparent d'un solide constituent un cylindre.

Cette projection affine apparaît aussi naturellement quand on étudie les ombres projetées par les rayons du soleil, car on peut considérer les rayons lumineux comme tous parallèles.

Par contre, si l'\oeil de l'observateur est situé à distance finie, les rayons projetants ne sont plus parallèles, mais convergent tous en un même point (l'\oeil de l'observateur). Il faut alors considérer un nouveau type de projection, appelé perspective, ou projection centrale, ou encore projection conique, car les rayons projetants constituent cette fois un cône de sommet l'\oeil de l'observateur. C'est aussi ce type de projection que l'on est amené à considérer si on étudie les ombres projetées par une source lumineuse située à distance finie.

L'étude systématique de la perspective a été entreprise à la Renaissance par les peintres et architectes italiens, en particulier Alberti (1404-1472), Masaccio (1401-1428), Piero della Francesca (vers 1415-1492). Elle s'est alors répandue à toute l'Europe, comme en témoigne la gravure de Dürer (1525) ci-dessous, où le peintre utilise un perspectographe, instrument lui permettant de réaliser une perspective de manière purement mécanique.

Image durer

L'étude mathématique en a été systématisée au XVIIième siècle par Desargues (voir section 3.4) et a fini par donner naissance à une nouvelle forme de géométrie : la géométrie projective.

Ses idées sont tombées dans un relatif sommeil durant tout le XVIIIième siècle, les mathématiciens de cette époque étant surtout occupés à développer les perspectives ouvertes par l'introduction du calcul différentiel et intégral, et ce n'est qu'au début du XIXième siècle que l'étude de la géométrie projective reprendra vraiment, sous l'impulsion de mathématiciens français (Poncelet, Traité des propriétés projectives des figures, 1822) et allemands (Steiner1, Möbius, Plücker), avant de s'établir définitivement sur des bases solides à la fin de ce siècle.

Les projections centrales ne sont pas des applications affines : si elles conservent l'alignement, elles ne conservent ni le parallélisme (des droites parallèles dans l'espace se rejoignent sur le tableau au point de fuite, commun à toutes les droites ayant même direction), ni les barycentres (le milieu d'un segment non parallèle au plan du tableau n'est pas projeté en le milieu de son image). En conséquence, dans un plan projectif, il n'y a pas de droites parallèles : deux droites distinctes se coupent toujours en un point et un seul.


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