La trigonométrie des cordes

Claude Ptolémée (90-168) était né à Ptolémaïs, en Haute-Egypte, d'où son nom. Vers 150, il compila l'ensemble des connaissances astronomiques de son temps dans une \oeuvre magistrale, la Composition Mathématique, rebaptisée plus tard Almageste («le très grand») par les savants arabes. Ce traité reprend et amplifie les connaissances d'Hipparque de Nicée (180-125 av. JC). Le système astronomique géocentrique de l'Almageste, restera en vigueur jusqu'à la révolution copernicienne, à la Renaissance.

Calculer des distances en fonction d'angles observés est l'activité de base de l'astronomie. Mais pour cela, les astronomes de l'antiquité préféraient les cordes à nos sinus et cosinus actuels. La notion de corde qui (sous-)tend un arc de cercle est sans doute plus naturelle. Dans un cercle de rayon $ 1$, notons $ \mathrm{cord}(\theta)$ la longueur de la corde qui sous-tend un arc de cercle d'angle $ \theta $. La figure 11 devrait vous convaincre que :

$\displaystyle \mathrm{cord}(\theta)=2\sin(\theta/2)\;.
$

Figure: La corde d'un angle $ \theta $ est le double du sinus de l'angle moitié.
\includegraphics[width=8cm]{corde}
Dans le livre I, chapitre 9 de l'Almageste, on trouve le théorème suivant.

Théorème 5 (de Ptolémée)   Dans un quadrilatère convexe inscrit dans un cercle, le produit des diagonales est égal à la somme des produits des côtés opposés.

Nous vous laissons le plaisir de démontrer que ce théorème est équivalent à la formule de sommation des sinus :

$\displaystyle \sin(a+b)=\sin(a)\cos(b)+\cos(a)\sin(b)\;.
$

Il permit à Ptolémée de construire une table de cordes, précise au demi-degré. Les mathématiciens et astronomes arabes ne se contentèrent pas de recopier, traduire et transmettre l'\oeuvre de Ptolémée. Ils la prolongèrent sur bien des points. Citons en particulier Abu al Wafa et Al Biruni, qui systématisèrent l'usage du cercle trigonométrique (de rayon $ 1$), ainsi que Al Khwarizmi et Al Battani, qui imposèrent l'usage des demi-cordes (notre sinus de l'angle moitié), emprunté aux astronomes indiens (notamment Aryabhata (476-550)).

L'\oeuvre d'Al Battani (858-929) «le Ptolémée arabe», fut traduite en latin, et rééditée au XVe siècle par Johann Müller (1436-1476), qui étant natif de Königsberg, prit le nom de Regiomontanus. Léonard de Pise (Fibonacci 1175-1250) semble être le premier à avoir utilisé le mot latin sinus qui semble venir du latin signifiant «repli». En réalité, «corde » en sanscrit se dit «jiva», et « jiba» en arabe signifie aussi «poche, repli de vêtement». Un mauvaise traduction semble être l'origine de ce glissement sémantique plutôt heureux, eût égard à la forme sinueuse de la sinusoïde...  qui ne fut tracée et étudiée en tant que telle que plusieurs siècles plus tard !


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