Le principe de Cavalieri

Le volume d'un prisme, qu'il soit droit ou oblique, ne dépend que de sa base et et de sa hauteur : imaginez le prisme comme une pile de tranches fines identiques qui peuvent glisser les unes par rapport aux autres : une pile de pièces de monnaie par exemple. Vous pouvez modifier la forme de la pile, mais tant qu'elle contient les mêmes pièces, ni sa hauteur ni son volume ne changent. La même chose vaut par exemple pour un cône. Bonaventura Cavalieri (1598-1647) est habituellement crédité de cette observation, qu'il exprime en dimension deux : si deux figures planes, comprises entre deux droites parallèles sont telles que les intersections avec les deux figures des parallèles aux droites sont toujours de mêmes longueurs, alors les deux surfaces sont égales. Plus de dix siècles avant Cavalieri, les chinois avaient déjà fait la remarque pour la dimension trois. Voici comment Zu Gengzhi1 (Ve siècle) exprime cela : «Si des surfaces sont empilées pour former des volumes, et si les aires correspondantes sont égales, alors les volumes ne peuvent pas être différents»

En 263, Liu Hui 2 édite et commente les «Neuf Chapitres sur l'Art du Calcul», le texte fondateur des mathématiques chinoises. Même s'il ne l'exprime pas aussi clairement que son successeur Zu Genzhi, il est parfaitement conscient du principe de Cavalieri, et l'utilise pour déterminer certains volumes dans sa quête de la détermination du volume de la sphère. Mais il échoue, et reconnaît honnêtement :

Je souhaite exposer mes humbles réflexions, mais je crains de manquer le principe correct. J'ose laisser les points douteux en l'état, en attendant qu'un autre les résolve.
Deux siècles plus tard, Zu Genzhi réussit et ne boude pas son triomphe.
Les proportions sont extrêmement précises et mon c\oeur brille. Zhang Heng avait copié les anciens, souriant à la postérité. Liu Hui avait suivi les anciens, mais n'avait pas eu le temps de les corriger. Mais qu'y a-t-il de difficile à cela ? Il suffit de réfléchir.

Il y avait beaucoup plus chez Liu Hui et Zu Genzhi qu'un principe de comparaison de volumes. Comme Archimède et sa méthode d'exhaustion, comme Cavalieri et sa géométrie des indivisibles, comme Thabit Ibn Qurra, Roberval, Pascal et bien d'autres, il cherchaient tous par leurs découpages de surfaces ou de volumes, à maîtriser cette notion d'intégrale qui a mis si longtemps à émerger.


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