Sous-espaces vectoriels

La raison pour laquelle il est inutile en général de vérifier les $ 8$ propriétés de la définition 1. est que tous les espaces vectoriels que l'on utilise sont des sous-espaces d'un espace vectoriel d'applications, c'est-à-dire qu'ils sont des sous-ensembles, sur lesquels on applique localement les opérations de l'espace entier.

Définition 2   Soit $ E$ un espace vectoriel et $ F$ un sous-ensemble non vide de $ E$. On dit que $ F$ est un sous-espace vectoriel de $ E$ s'il est un espace vectoriel pour l'addition et la multiplication externe de $ E$.

Observons que tout sous-espace vectoriel de $ E$ contient au moins le vecteur nul. La notion prend tout son intérêt grâce au théorème suivant.

Théorème 2   Soit $ E$ un espace vectoriel et $ F\subset E$ un sous-ensemble non vide de $ E$. L'ensemble $ F$ est un sous-espace vectoriel de $ E$ si et seulement si :

\begin{displaymath}\begin{array}{ll} \forall v,w\in F&\quad v+ w \in F \forall...
...;\forall \lambda\in\mathbb{R}&\quad \lambda v \in F \end{array}\end{displaymath} (1)

Démonstration : Si $ F$ est un sous-espace vectoriel de $ E$, alors c'est un espace vectoriel et (1) est vrai.

Montrons la réciproque. Parmi les 8 propriétés de la définition 1, celles qui ne font intervenir que le quantificateur $ \forall$ (associativités, commutativité, distributivités), puisqu'elles sont vraies dans $ E$, restent vraies dans $ F$ à cause de (1). Il suffit donc de vérifier les $ 2$ propriétés impliquant une existence (élément neutre et opposé). Nous devons démontrer que $ F$ contient le vecteur nul, ainsi que l'opposé de tout vecteur de $ F$. D'après le premier point de la proposition 1, le vecteur nul s'écrit $ 0 v$ pour tout vecteur $ v$ de $ E$, donc pour tout vecteur de $ F$. Comme $ F$ est non vide, il est donc dans $ F$. De même si $ v$ est un vecteur de $ F$, alors son opposé, qui s'écrit $ (-1) v$ d'après le second point de la proposition 1, est aussi dans $ F$. $ \square$ Voici une première application. Une suite $ (u_n)_{n\in\mathbb{N}}$ de réels est nulle à partir d'un certain rang (on dit aussi à support fini) s'il existe $ n_0\in\mathbb{N}$ tel que pour tout $ n\geqslant n_0$, $ u_n=0$. Tout polynôme peut être identifié à la suite de ses coefficients, qui est nulle à partir d'un certain rang (le degré du polynôme, plus $ 1$). La proposition suivante démontre donc du même coup que l'ensemble des polynômes, muni de l'addition et de la multiplication externe, est un espace vectoriel.

Proposition 2   L'ensemble des suites nulles à partir d'un certain rang est un sous-espace vectoriel de l'espace vectoriel des suites de réels.

Démonstration : Soit $ (u_n)$ une suite, nulle à partir du rang $ n_0$, et $ (v_n)$ une suite nulle à partir du rang $ n_1$. Alors la suite $ (u_n+v_n)$ est nulle, au moins à partir du rang $ \max\{n_0,n_1\}$ (et peut-être avant). Pour tout $ \lambda\in\mathbb{R}$, la suite $ (\lambda u_n)$ est nulle, au moins à partir du rang $ n_0$. $ \square$ Le résultat suivant découle tout aussi facilement du théorème 2.

Proposition 3   L'intersection de deux sous-espaces vectoriels est un sous-espace vectoriel.

La réunion de deux sous-espaces vectoriels n'est pas un espace vectoriel en général (pensez à deux droites distinctes). Pour chacun des espaces vectoriels donnés en exemple à la section précédente, nous donnons dans les tableaux ci-dessous des sous-ensembles qui sont des sous-espaces vectoriels, et d'autres qui n'en sont pas. Nous conseillons au lecteur de le démontrer pour chacun. Pour démontrer qu'un ensemble est un sous-espace vectoriel, il suffit d'appliquer le théorème 2. Pour démontrer qu'un ensemble n'est pas un sous-espace vectoriel, il suffit de trouver un contre-exemple : vérifiez d'abord si 0 appartient à l'ensemble : si ce n'est pas le cas, c'est terminé. Sinon, vérifiez si l'opposé d'un vecteur de l'ensemble est dans l'ensemble. Si c'est encore vrai, trouvez deux vecteurs particuliers de l'ensemble, tels que leur somme n'y soit pas.
Complexes
Oui Non
$ \{ z\in\mathbb{C} ,\;$   Re$ (z)=0 \}$ $ \{ z\in\mathbb{C} ,\;$Re$ (z)=1 \}$
$ \{ z\in\mathbb{C} ,\;\vert z\vert=0 \}$ $ \{ z\in\mathbb{C} ,\;\vert z\vert=1 \}$
$ \{ z\in\mathbb{C} ,\;\vert z-\mathrm{e}^{\mathrm{i}\pi/4}\vert=\vert z+\mathrm{e}^{\mathrm{i}\pi/4}\vert \}$ $ \{ z\in\mathbb{C} ,\;\vert z-\mathrm{e}^{\mathrm{i}\pi/4}\vert=\vert z\vert \}$
Couples de réels
Oui Non
$ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\; x=0 \}$ $ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\; x=1 \}$
$ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\; 3x-2y=0 \}$ $ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\;3x^2-2y^2=0 \}$
$ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\;2x+3y=0 \}$ $ \{ (x,y)\in\mathbb{R}^2 ,\; \sin(3x+2y)=0 \}$
Matrices
Oui Non
$ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\; A={^t\!A} \}$ $ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\; A=A^2 \}$
$ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\; A\binom{1}{1}=\binom{0}{0} \}$ $ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\; A\binom{1}{1}=\binom{1}{1} \}$
$ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\;$   tr$ (A)=0 \}$ $ \{ A\in{\cal M}_{2,2}(\mathbb{R}) ,\;$   det$ (A)=0 \}$
Suites de réels
Oui Non
$ \{ (u_n) ,\;u_0=0 \}$ $ \{ (u_n) ,\;u_0=1 \}$
$ \{ (u_n) ,\;\exists  l\;\lim u_n=l \}$ $ \{ (u_n) ,\;\lim u_n=+\infty \}$
$ \{ (u_n) ,\;\forall n ,\;u_{n+1}=2u_{n} \}$ $ \{ (u_n) ,\;\forall n ,\;u_{n+1}=u_{n}+1 \}$
Polynômes
Oui Non
$ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;$deg$ (P)\leqslant 5 \}$ $ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;$deg$ (P)= 5 \}$
$ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;P(X)=P(-X) \}$ $ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;P^2(X)=P^2(-X) \}$
$ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;P(2)+P'(2)=0 \}$ $ \{ P\in\mathbb{R}[X] ,\;P(2)+P'(2)=1 \}$
Fonctions de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$
Oui Non
$ \{  f ,\;f(0)=0 \}$ $ \{  f ,\;f(1)=1 \}$
$ \{  f ,\;$continues en $ 0 \}$ $ \{  f ,\;\vert f\vert$ continue en $ 0 \}$
$ \{  f ,\;$dérivables sur $ ]0,1[ \}$ $ \{  f ,\;$non dérivables en $ 0 \}$
Dans un espace vectoriel, l'associativité de l'addition permet d'écrire (sans parenthèses) des combinaisons linéaires de vecteurs.

Définition 3   Soient $ v_1,\ldots,v_n$ $ n$ vecteurs d'un espace vectoriel $ E$. On appelle combinaison linéaire de $ v_1,\ldots,v_n$, tout vecteur s'écrivant :

$\displaystyle \lambda_1 v_1+\cdots+\lambda_n v_n=
\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i\;,
$

$ \lambda_1,\ldots,\lambda_n$ sont des réels.

Théorème 3   Soit $ E$ un espace vectoriel et $ F\subset E$ un sous-ensemble non vide de $ E$. Les trois affirmations suivantes sont équivalentes.
  1. $ F$ est un sous-espace vectoriel de $ E$.
  2. $ F$ contient toutes les combinaisons linéaires de deux de ses vecteurs.

    $\displaystyle \forall v,w\in F ,\;\forall
\lambda,\mu\in \mathbb{R}\;,\quad
\lambda v+\mu w \in F
$

  3. pour tout $ n\geqslant 1$, $ F$ contient toutes les combinaisons linéaires de $ n$ de ses vecteurs.

    $\displaystyle \forall v_1,\ldots,v_n\in F ,\;\forall
\lambda_1,\ldots,\lambda_n\in \mathbb{R}\;,\quad
\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i \in F
$

Démonstration : Rappelons que $ F$ est un sous-espace vectoriel de $ E$ si et seulement si il vérifie (1). L'équivalence entre (1) et 2 est un exercice facile, laissé au lecteur. L'implication 3 $ \Longrightarrow$ 2 est évidente. Nous allons démontrer la réciproque 2 $ \Longrightarrow$ 3, par récurrence sur $ n$. Notons $ H(n)$ l'hypothèse de récurrence :

$\displaystyle H(n) :\qquad
\forall v_1,\ldots,v_n\in F ,\;\forall
\lambda_1,\ldots,\lambda_n\in \mathbb{R}\;,\quad
\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i \in F
$

Le point 2 est $ H(2)$, et il implique $ H(1)$ (cas particulier $ \mu=0$). Supposons que $ H(n)$ soit vrai. Soient $ v_1,\ldots,v_{n+1}$ des vecteurs de $ F$ et $ \lambda_1,\ldots,\lambda_{n+1}$ des réels. Ecrivons

$\displaystyle \sum_{i=1}^{n+1} \lambda_i v_i
=v +\lambda_{n+1} v_{n+1}\;,
$

avec

$\displaystyle v=\sum_{i=1}^n \lambda_i v_i
$

Le vecteur $ v$ appartient à $ F$, par $ H(n)$. La combinaison linéaire $ v+\lambda_{n+1} v_{n+1}$ appartient à $ F$ d'après $ H(2)$, d'où le résultat. $ \square$

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