Les machines à calculs

À partir du XIXesiècle, toutes sortes d'opérations mathématiques furent mécanisées. Les planimètres, conçus dès 1814, étaient formés de tiges articulées reliées à des cadrans ; ils servaient à évaluer des aires planes, c'est-à-dire calculer des intégrales. En 1836 Gaspard Coriolis imagine une machine pour calculer des solutions de l'équation différentielle $ y'(x)=f(x,y)$, à l'aide d'«une surface exécutée en relief ayant pour ordonnée $ y/f(x,y)$». Il la fait réaliser pour $ f(x,y)=ay$ (calcul de l'exponentielle)2.
Si l'on conçoit qu'un fil tendu s'enroule sur un cylindre, et que le frottement y soit assez fort pour empêcher ce fil de glisser le long de la surface contre laquelle il s'est enroulé, la courbe formée par le fil sur la surface du cylindre, développée ensuite sur un plan, jouira de la propriété que la direction de sa tangente sera toujours celle de la partie du fil tendue en ligne droite avant qu'elle s'enroule.

Si donc on peut donner au fil, dans cette partie, une direction qui résulte de l'équation différentielle d'une courbe, celle-ci se trouvera tracée sur le cylindre en prenant pour abscisse les arcs comptés sur la base du cylindre. Cette considération conduit à un tracé assez simple de plusieurs courbes.

[...]

J'ai fait construire, d'après cette remarque, une machine au moyen de laquelle un fil tendu par un léger poids s'enroule ou se déroule autour d'un cylindre en passant par un petit trou percé dans une plaque mobile qu'on approche ou qu'on écarte à volonté du cylindre. Une aiguille et un cadran indiquent les tours et les fractions de tours dont on a tourné le cylindre. Ce sont ces quantités qui représentent les exposants.
Le principe de toutes les machines à calculs est remarquablement résumé par Leonardo Torres y Quevedo (1852-1936)3, ingénieur espagnol inventeur entre autres d'une machine qui calculait les racines des polynômes, et d'une autre qui résolvait des fins de partie d'échecs.
Une machine est un intrument qui relie plusieurs mobiles et qui impose mécaniquement certaines relations entre les valeurs simultanées de leurs déplacements. Ces relations se traduisent ordinairement en une ou plusieurs équations et on peut dire de manière appropriée qu'en construisant la machine, on construit les équations établies entre les valeurs des déplacements considérés. Il suffit de prendre en compte cette analogie pour comprendre la possibilité d'obtenir des machines qui exécutent certains calculs algébriques.
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les machines à calcul ont connu un développement impressionnant. L'«intégrateur à eau», construit en Union Soviétique en 1936 résolvait des équations différentielles. Il occupait toute une salle, pleine de tuyaux et de pompes. Le niveau d'eau dans les divers réservoirs, mesuré avec une grande précision, représentait des enregistrements de nombres, et les flux entre ces réservoirs traduisaient les opérations mathématiques. La machine électrique de Mallock, contruite aux États-Unis en 1933 résolvait des systèmes différentiels comprenant jusqu'à 10 équations couplées.

         © UJF Grenoble, 2011                              Mentions légales