Un écossais a pris la Bastille

Parmi les quelques centaines d'habitants du faubourg Saint-Antoine qui, assemblés en milice le 14 juillet 1789, participèrent à la prise de la Bastille, il y avait un écossais : William Playfair (1759-1823)2. Après un emploi d'assistant dans la fabrique de machines à vapeur de James Watt (oui, ce Watt-là), il avait fondé à Londres une affaire d'orfèvrerie qui avait fait faillite. Il avait alors décidé ... en 1787 (!) que la France offrirait plus d'opportunité à un entrepreneur aussi inventif que lui. Des idées de nouvelles affaires à monter il n'en manquait jamais, quitte à franchir parfois les limites dictées par son nom de famille et les règles juridiques, au point même de se voir condamner à la prison pour détournement de fonds. La Révolution française, qu'il avait d'abord soutenue activement, sombra bientôt dans une violence qu'il n'approuvait plus. Au péril de sa vie, il alla jusqu'à affronter en 1791 une populace hostile qui avait pris à partie un de ses amis (et associé en affaires). Avec pas mal d'audace et de chance, il réussit à sauver son ami du lynchage, et se retrouve à l'abri dans une caserne. Sa manière de conclure l'aventure est typique de l'indéfectible optimisme avec lequel il traverse l'existence.
When I found myself on the bed in the Corps de Garde I began to think I had run some risk, but when I was conducting my friend to a place of safety I thought nothing but of what I was about. I saw a boy in the place who seemed to be a sort of messenger and I asked him if he could get me some wine. He said the Swiss sold excellent wine at 15 sols. I desired him to fetch a dozen and I found it was the best common wine I ever tasted. I then sent for two dozen more and asked all the soldiers to drink. In return their onion soup, which had come along before but which they had been prevented from eating by the disturbance that had taken place, was offered to me and I ate of it with amazing appetite.
Après la chute de Napoléon, pour répondre à un récit trop favorable selon lui à la Révolution, Playfair expose sa vision de la France dans deux gros volumes, aussitôt traduits en français. Appreciez, Mesdemoiselles, l'admiration qu'il témoigne pour les françaises de son temps3.
Dans tous les exercices qui exigent de l'audace, ou qui sont dangereux, les femmes en France se piquent toujours de paroître au premier rang. Elles sont fières de déployer un mâle courage, ce qui n'est pas toujours très-convenable, ni même sans danger. Les hommes connoissent si bien toute la force de ce penchant, que, tout en les voyant avec peine oublier ainsi les plus beaux attributs de leur sexe, la pudeur et la modestie, ils n'osent les empêcher de suivre leur goût, persuadés que ce seroit les offenser inutilement, puisque toute remontrance seroit sans effet.

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En traçant cette légère esquisse de la société parisienne, nous ne devons pas oublier ce sexe qui en fait le plus grand charme. Ce furent les Parisiennes qui, à l'époque de la révolution, prouvèrent que la sensibilité a aussi son héroïsme, et que l'affection peut donner une énergie qui fait braver tous les périls.

Les Parisiennes ne craignirent pas de descendre dans de sombres cachots, de visiter les demeures ordinairement occupées par le crime, pour aller porter des paroles d'espoir et de consolation aux pauvres prisonniers. Elles ont montré qu'elles savoient compatir au malheur ; elles ont montré aussi qu'elles savoient supporter la douleur et la mort. La tendre fille, l'épouse fidèle, conduite sur l'échafaud avec un père ou un époux, sembloit oubliier qu'elle alloit perdre la vie, pour ne songer qu'à ranimer le courage abattu de celui pour lequel elle faisoit le sacrifice de son existence.

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Ce qui fait le principal charme de la beauté chez les Françoises, c'est l'expression de la physionomie. Indépendamment de l'aisance de ses manières, la Françoise a ordinairement un air d'enjouement et de vivacité qui plaît et qui captive. Elle paroît toujours prête à se lier avec vous et vous fait un accueil gracieux ; mais, parce qu'elle est très-communicative, n'allez pas en conclure qu'elle ne soit pas réllement vertueuse. L'affabilité et l'enjouement sont des preuves aussi certaines de la vertu d'une femme que la réserve et la pruderie.
Fort bien : Playfair était un touche-à-tout bouillonnant d'idées, galant et amoureux de la vie, pas toujours très scrupuleux, mais intelligent et somme toute bien sympathique ; mais vous connaissez le principe de ces compléments : cela ne suffirait pas pour qu'il y figure s'il n'y avait une quelconque connexion avec le thème du chapitre, en l'occurrence le logiciel R. Cela ne vous a pas échappé, une grande partie de l'usage de R consiste en des représentations graphiques de données. Qui le premier a théorisé l'importance de la représentation graphique des données statistiques ? Qui a inventé le diagramme en barres et en camembert ? Oui, c'est bien notre touche-à-tout. Il avait parfaitement compris en quoi résidait la supériorité de ses représentations graphiques sur les tableaux de chiffres.
The advantage proposed by this method, is not that of giving a more accurate statement than by figures, but it is to give a more simple and permanent idea of the gradual progress and comparative amounts, at different periods, by presenting to the eye a figure, the proportions of which correspond with the amount of sums intended to be expressed.
Il avait publié en 1786 à Londres un «Commercial and Political Atlas». Un exemplaire, parvenu en France avait été offert au Roi Louis XVI, qui...
... at once understood the charts and was very pleased. He said they spoke all languages and were very clear and easily understood.
Playfair est resté très fier de la reconnaissance de son travail par Louis XVI, dont l'appui financier et politique lui avait été précieux. Il utilise ses techniques graphiques dans plusieurs ouvrages, dont son «Bréviaire Statistique», publié en 18014. Voici ce qu'il y dit de sa méthode graphique. Oubliez le style d'il y a deux siècles : les idées n'ont pas pris une ride.
I have composed the following work upon the principle of which I speak ; this, however, I never should have thought of doing, had it not occured to me, that making an appeal to the eye when proportion and magnitude are concerned, is the best and readiest method of conveying a distinct idea. Statistical knowledge, though in some degree searched after in the most early ages of the world, has not, till within these last fifty years, become a regular object of study. Its utility to all persons connected in any way with public affairs, is evident: and indeed it is no less evident that everyone who aspires at the character of a well-informed man should acquire a certain degree of knowledge on a subject so universally important, and so generally canvassed.

[...]

The advantages proposed by this mode of representation, are to facilitate the attainment of information, and aid the memory in retaining it: which two points form the principal business in what we call learning, or the acquisition of knowledge.

Of all the senses, the eye gives the liveliest and most accurate idea of whatever is suceptible of being represented to it; and when proportion between different quantities is the object, then the eye has an incalculable superiority; as from the constant, and even involuntary habit of comparing the sizes of the objects it has acquired the capacity of doing so, with an accuracy that is almost unequalled.

[...]

The author of this work applied the use of lines to matters of commerce and finance about sixteen years ago, with great success. His mode was generally approved of as not only facilitating, but rendering those studies more clear, and retained more easily by the memory.

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