Morphismes

Une application entre deux espaces vectoriels est dite linéaire si elle envoie une combinaison linéaire de vecteurs sur la même combinaison linéaire de leurs images.

Définition 11   Soient $ E$ et $ F$ deux espaces vectoriels et $ f$ une application de $ E$ dans $ F$. On dit que $ f$ est une application linéaire si

\begin{displaymath}\begin{array}{llcl} \forall v,w\in E&\quad f(v+ w)&=&f(v)+f(w...
...\in\mathbb{R}&\quad f(\lambda v)&=&\lambda f(v)\;. \end{array}\end{displaymath} (2)

Une application linéaire $ f$ de $ E$ dans $ F$ envoie nécessairement le vecteur nul de $ E$ sur le vecteur nul de $ F$. Elle envoie l'opposé de $ v$ sur l'opposé de $ f(v)$. La proposition suivante se démontre facilement, dans le style du théorème 2.

Proposition 6   Soient $ E$ et $ F$ deux espaces vectoriels, et $ f$ une application de $ E$ dans $ F$. Les trois affirmations suivantes sont équivalentes.
  1. $ f$ est une application linéaire.
  2. $\displaystyle \forall v,w\in E ,\;\forall \lambda,\mu\in\mathbb{R}\;,\quad
f(\lambda v+\mu w) = \lambda f(v)+\mu f(w)\;.
$

  3. Pour tout $ n\geqslant 1$,

    $\displaystyle \forall v_1,\ldots,v_n\in E ,\;\forall
\lambda_1,\ldots,\lambda_...
...d
f\left(\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i\right) =
\sum_{i=1}^n \lambda_i f(v_i)\;.
$

Voici quelques exemples d'applications linéaires.
$ \bullet$
de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}^2$ : $ (x,y)\mapsto (x+y,2x+3y)$
$ \bullet$
de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}^3$ : $ (x,y)\mapsto (y,x,x+y)$
$ \bullet$
de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}^2$ : $ (x,y,z)\mapsto (y-x,2z+y)$
Une application linéaire respecte la structure d'espace vectoriel : l'image d'une somme est la somme des images, l'image du produit par un réel est le produit de l'image par le même réel. D'une application entre deux structures algébriques (groupes, corps, etc...) qui respecte la structure, on dit qu'elle est un morphisme. Le vocabulaire classique est le suivant.

Définition 12   Une application linéaire de $ E$ dans $ F$ est un
$ \bullet$
endomorphisme si $ E=F$,
$ \bullet$
isomorphisme si elle est bijective,
$ \bullet$
automorphisme si $ E=F$ et l'application est bijective.

La composée de deux applications linéaires est une application linéaire.

Théorème 7   Soient $ E,F,G$ trois espaces vectoriels, $ f$ une application linéaire de $ E$ dans $ F$ et $ g$ une application linéaire de $ F$ dans $ G$. La composée $ g\circ f$ est une application linéaire de $ E$ dans $ G$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{ccccl}
&f&&g&\\
E&\longrightarrow&F&\longrigh...
...\longmapsto&f(u)&\longmapsto&g\circ f(u)=g(f(u))\;.
\end{array}\end{displaymath}

Démonstration : On utilise successivement la linéarité de $ f$ et celle de $ g$.
$\displaystyle g\circ f(\lambda v+\mu w)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle g(f(\lambda v+\mu w))$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle g(\lambda f(v)+\mu f(w))$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \lambda g(f(v))+\mu g(f(w))$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \lambda g\circ f(v)+\mu g\circ f(w)\;.$  

$ \square$

Si une application $ f$ est un isomorphisme, son application réciproque, que nous noterons $ f^{-1}$ est aussi une application linéaire.

Théorème 8   Soit $ f$ un isomorphisme de $ E$ dans $ F$. Sa réciproque $ f^{-1}$ est un isomorphisme de $ F$ dans $ E$.

Démonstration : Nous devons vérifier que pour tous $ w,w'\in F$, et pour tous $ \lambda,\mu\in\mathbb{R}$, $ f^{-1}(\lambda w+\mu w')=\lambda f^{-1}(w)+\mu f^{-1}(w')$. Puisque $ f$ est bijective, il existe $ v,v'\in E$ tels que $ f(v)=w$ et $ f(v')=w'$. Utilisons la linéarité de $ f$ pour écrire :
$\displaystyle f^{-1}(\lambda w+\mu w')$ $\displaystyle =$ $\displaystyle f^{-1}(\lambda f(v)+\mu f(v'))$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle f^{-1}(f(\lambda v+\mu v'))$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \lambda v+\mu v'$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \lambda f^{-1}(w)+\mu f^{-1}(w')\;.$  

$ \square$

La composée de $ f$ par $ f^{-1}$ est l'application identique, ou identité, de $ E$ dans lui-même. C'est un automorphisme particulier, que nous noterons $ I_E$.

$\displaystyle I_E : E\longrightarrow E\;,\quad
v\longmapsto I_E(v)=v\;.
$

Une combinaison linéaire d'applications linéaires est encore une application linéaire.

Théorème 9   Soient $ E$ et $ F$ deux espaces vectoriels. Soient $ f$ et $ g$ deux applications linéaires de $ E$ dans $ F$ et $ \lambda,\mu$ deux réels. L'application $ \lambda f+\mu g$ est encore une application linéaire.

Démonstration : L'application $ \lambda f+\mu g$ est celle qui à $ v$ associe $ \lambda f(v)+\mu g(v)$. Sa linéarité se déduit facilement de celles de $ f$ et $ g$.$ \square$

Nous terminons la section par des interprétations géométriques d'applications linéaires de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}^2$. Considérons un plan vectoriel muni d'une base orthonormée $ (\vec{\imath},\vec{\jmath})$. A tout couple de réels $ (x,y)$ est associé le vecteur $ x\vec{\imath}+y\vec{\jmath}$. Une application linéaire de $ \mathbb{R}^2$ dans lui-même est associée à une transformation géométrique du plan, qui à un vecteur associe un autre vecteur. En voici trois (cf. figure 1) :

$ \bullet$
rotation d'angle $ \pi /2$
$ (x,y)\mapsto (-y,x)$
$ \bullet$
symétrie par rapport à la première bissectrice
$ (x,y)\mapsto (y,x)$
$ \bullet$
projection sur la première bissectrice
$ (x,y)\mapsto ((x+y)/2,(x+y)/2)$
Figure 1: Interprétations géométriques de trois applications linéaires de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}^2$ : rotation d'angle $ \pi /2$, symétrie par rapport à la première bissectrice, projection sur la première bissectrice.
\includegraphics[width=5cm, height=5cm]{transfplana} \includegraphics[width=5cm, height=5cm]{transfplanb} \includegraphics[width=5cm, height=5cm]{transfplanc}
Les rotations et les symétries sont des automorphismes du plan vectoriel. Les projections sont des endomorphismes, mais elles ne sont pas bijectives. Observons que les translations, par exemple $ (x,y)\mapsto (x+2,y-1)$, ne sont pas linéaires. Ce sont des bijections, mais pas des automorphismes du plan vectoriel.


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