Le Théorème de Ibn al-Haytham

Selon son histoire, rapportée par Roshdi Rashed2, il devrait s'appeler Théorème d'Al-Haytham-Leibniz-Wilson-Waring-Lagrange-Euler-Gauss ; mais c'est sous le nom de Théorème de Wilson qu'il est connu dans la littérature, et que nous vous l'avons proposé en exercice.

Théorème 8   Si $ n$ est un nombre premier, alors $ (n-1)!$ est congru à $ -\!1$ modulo $ n$.

Cette condition nécessaire est aussi suffisante, puisque si $ n$ n'est pas premier, $ (n-1)!$ est divisible par tous les facteurs premiers de $ n$, et est donc congru à 0 modulo $ n$. Le théorème apparaît dans un livre en latin de «Meditationes Algebraicae» publié en 1770 par E. Waring. Celui-ci attribue le résultat à un de ses élèves, John Wilson, qu'il qualifie de «vir clarissimus, rerumque mathematicorum peritissimus». Pourtant, ni Wilson ni Waring ne savaient en donner de démonstration ; selon Waring : «demonstrationes vero hujusmodi propositionum eo magis difficiles erunt». En fait, le résultat avait déjà été énoncé, et peut-être démontré, par Leibniz au siècle précédent. Lagrange en 1771, Euler, puis Gauss en publieront différentes démonstrations. Mais bien avant, autour de l'an mil, le mathématicien Ibn al-Haytham (965-1040) avait déjà publié un court «Opuscule» dans lequel il énonçait le résultat, et où il apparaît clairement qu'il en possédait la justification, probablement basée sur une forme de l'identité de Bézout. Malheureusement, beaucoup de ses écrits n'ayant pas été retrouvés, ses connaissances exactes n'ont pas pu être reconstituées. L'Opuscule d'al-Haytham commence par l'énoncé du problème suivant.
Trouver un nombre tel que si on le divise par deux il en reste un ; si on le divise par trois, il en reste un ; si on le divise par quatre il en reste un ; si on le divise par cinq il en reste un ; si on le divise par six il en reste un ; si on le divise par sept il n'en reste rien ;
Al-Haytham donne deux méthodes. La première, qu'il qualifie de «canonique» consiste à exhiber le nombre $ 6!+1=721$, qui répond à la question. La seconde permet de trouver toutes les solutions du problème, qui en a une infinité. On pourrait penser qu'al-Haytham n'a résolu qu'un problème particulier, une devinette arithmétique en quelque sorte. Mais voici comment il poursuit son exposé, après la description des deux méthodes dans le cas particulier $ n=7$.
Ceci étant posé, nous disons que cette propriété est nécessaire pour tout nombre premier, c'est-à-dire que pour tout nombre premier - qui est un nombre qui n'est multiple que de l'unité -, si on multiplie les nombres qui le précèdent les uns par les autres selon la manière que nous avons introduite, et si on ajoute un au produit, alors si on divise la somme par chacun des nombres qui précèdent le nombre premier, il en reste un, et si on la divise par le nombre premier, il n'en reste rien.
Le cas particulier $ n=7$ n'est qu'un artifice pédagogique. Al-Haytham a bien conscience que son exposé est tout à fait général, et parfaitement clair. Beaucoup plus clair d'ailleurs que ceux de certains de ses successeurs qui reprendront le même problème à partir de ses écrits. Laissons la conclusion à al-Haytham, qui ne semble pas juger que son résultat mérite une aussi longue postérité.
Ce que nous venons de mentionner englobe les réponses à tous les problèmes de ce genre, et que Dieu nous assiste. La réponse au problème numérique est achevée. Louange à Dieu Seigneur du Monde ; Béni soit Son Prophète Mohammed, l'Élu, et tous les siens.

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