Convergence des suites monotones

La notion de limite est très liée aux notions de borne supérieure (plus petit des majorants) et borne inférieure (plus grand des minorants). Etant donnée une suite $ (u_n)$, nous appellerons borne supérieure et borne inférieure de $ (u_n)$ les quantités

$\displaystyle \sup\{u_n ,\;n\in\mathbb{N}\}$   et$\displaystyle \quad
\inf\{u_n ,\;n\in\mathbb{N}\}\;.
$

Théorème 2    
  1. Toute suite croissante et majorée converge vers sa borne supérieure.
  2. Toute suite croissante et non majorée tend vers $ +\infty$.
  3. Toute suite décroissante et minorée converge vers sa borne inférieure.
  4. Toute suite décroissante et non minorée tend vers $ -\infty$.

Démonstration : Rappelons que toute partie non vide et majorée de $ \mathbb{R}$ admet une borne supérieure finie. Si l'ensemble $ \{u_n ,\;n\in\mathbb{N}\}$ est majoré, il admet une borne supérieure finie : notons-la $ l$. Puisque $ l$ est le plus petit des majorants, pour tout $ \varepsilon >0$, $ l-\varepsilon $ n'est pas un majorant. Donc il existe $ n_0$ tel que $ l-\varepsilon \leqslant u_{n_0}\leqslant l$. Mais si $ (u_n)$ est croissante, alors pour tout $ n\geqslant n_0$,

$\displaystyle l-\varepsilon \leqslant u_{n_0}\leqslant u_n\leqslant l\;,
$

donc $ (u_n)$ converge vers $ l$.

Si la suite n'est pas majorée, pour tout $ A$, il existe $ n_0$ tel que $ u_{n_0}\geqslant A$. Si $ (u_n)$ est croissante, alors pour tout $ n\geqslant n_0$,

$\displaystyle A\leqslant u_{n_0}\leqslant u_n\;,
$

donc la suite $ (u_n)$ tend vers l'infini.

Si la suite $ (u_n)$ est décroissante, on applique ce qui précède à la suite croissante $ (-u_n)$. $ \square$

Définition 8   Soient $ (u_n)$ et $ (v_n)$ deux suites de réels. Elles sont dites adjacentes si
  1. $ (u_n)$ est croissante,
  2. $ (v_n)$ est décroissante,
  3. $ (v_n-u_n)$ tend vers 0.

Proposition 2   Deux suites adjacentes convergent vers la même limite.

Démonstration : Si $ (u_n)$ est croissante et $ (v_n)$ décroissante, alors $ (v_n-u_n)$ est décroissante. Si $ (v_n-u_n)$ tend vers 0, alors pour tout $ n$, $ v_n-u_n\geqslant 0$. Donc

$\displaystyle u_0\leqslant u_n\leqslant v_n\leqslant v_0\;.
$

La suite $ (u_n)$ est croissante, et majorée par $ v_0$, donc elle converge. La suite $ (v_n)$ est décroissante, et minorée par $ u_0$, donc elle converge. Comme la différence tend vers 0, les deux limites sont égales (théorème 1).$ \square$ Voici un exemple très classique. Posons :

$\displaystyle u_n=1+1+\frac{1}{2!}+\frac{1}{3!}+\cdots+\frac{1}{n!}$   et$\displaystyle \quad
v_n = u_n+\frac{1}{n n!}\;.
$

La suite $ (u_n)$ est strictement croissante car $ u_{n+1}-u_n=1/(n+1)!>0$. La suite $ (v_n)$ est strictement décroissante :

$\displaystyle v_{n+1}-v_n = \frac{1}{(n+1)!} +\frac{1}{(n+1)(n+1)!}-\frac{1}{n n!}
=\frac{-1}{n(n+1)(n+1)!}<0\;.
$

La différence $ v_n-u_n$ tend vers 0, donc les deux suites convergent vers la même limite. Cette limite est le nombre $ \mathrm{e}\simeq 2.718$. Les deux suites fournissent un encadrement extrêmement précis de $ \mathrm{e}$, pour un nombre de termes calculés relativement faible. Pour $ n=10$, la différence $ v_n-u_n$ vaut $ 2.76  10^{-8}$, et pour $ n=100$, elle vaut $ 1.07 10^{-160}$.

Ce même encadrement est aussi un moyen de montrer que $ \mathrm{e}$ est irrationnel. Supposons en effet que $ \mathrm{e}$ s'écrive $ \mathrm{e}=p/q$, avec $ p$ et $ q$ entiers. On aurait $ u_q< p/q< v_q$, soit :

$\displaystyle \sum_{k=0}^q \frac{1}{k!} < \frac{p}{q}
< \sum_{k=0}^q \frac{1}{k!} + \frac{1}{q q!}\;.
$

Multiplions ces inégalités par $ (q q!)$. Le nombre entier $ (p q!)$ devrait être encadré strictement par deux entiers consécutifs, ce qui est impossible.

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