Séries à termes positifs ou nuls

Les séries à termes positifs ou nuls sont plus faciles à étudier. En effet si $ u_n\geqslant 0$ pour tout $ n$, la suite des sommes partielles est croissante.

$\displaystyle s_{n}-s_{n-1} = u_n\geqslant 0\;.
$

Une suite croissante $ (s_n)_{n\in\mathbb{N}}$ n'a que deux comportements possibles. Soit elle est majorée et elle converge, soit elle tend vers $ +\infty$.

Les séries à termes positifs se comparent comme les intégrales de fonctions positives.

Théorème 3   Soient $ \sum
u_n$ et $ \sum v_n$ deux séries à termes positifs ou nuls. On suppose qu'il existe $ n_0\geqslant 0$ tel que pour tout $ n\geqslant
n_0$, $ u_n\leqslant
v_n$.
$ \bullet$
Si $ \sum v_n$ converge alors $ \sum
u_n$ converge.
$ \bullet$
Si $ \sum
u_n$ diverge alors $ \sum v_n$ diverge.

Démonstration : Comme nous l'avons observé, la convergence ne dépend pas des premiers termes. On peut donc étudier les sommes partielles à partir de $ n_0$. Pour tout $ n\geqslant
n_0$, notons $ s_n=u_{n_0}+\cdots+u_n$ et $ t_n = v_{n_0}+\cdots+v_n$. Les suites $ (s_n)_{n\geqslant n_0}$ et $ (t_n)_{n\geqslant n_0}$ sont croissantes, et de plus pour tout $ n\geqslant N$ $ s_n\leqslant t_n$. Si la série $ \sum v_n$ converge, alors la suite $ (t_n)$ converge. Soit $ t$ sa limite. La suite $ (s_n)$ est croissante, et majorée par $ t$, donc elle converge, donc la série $ \sum
u_n$ converge aussi. Inversement, si la série $ \sum
u_n$ diverge, alors la suite $ (s_n)$ tend vers $ +\infty$, et il en est de même pour la suite $ (t_n)$. $ \square$ Comme premier exemple, considérons un développement décimal. Soit $ (a_n)_{n\geqslant 1}$ une suite d'entiers tous compris entre 0 et $ 9$. La série

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{a_n}{10^n}
\;$ converge.

En effet, son terme général $ u_n=\frac{a_n}{10^n}$ est majoré par $ \frac{9}{10^n}$. La série géométrique $ \sum \frac{1}{10^n}$ converge, car $ \frac{1}{10}<1$. La série $ \sum \frac{9}{10^n}$ converge aussi par linéarité, d'où le résultat. Nous avons déjà vu que la série

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{(n+1)(n+2)}
\;$ converge.

Nous allons en déduire que

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{1}{n^2}
\;$ converge.

En effet :

$\displaystyle \lim_{n\rightarrow\infty}
\frac{\frac{1}{2n^2}}{\frac{1}{(n+1)(n+2)}}=\frac{1}{2}\;.
$

En particulier, il existe $ n_0$ tel que pour $ n\geqslant
n_0$ :

$\displaystyle \frac{1}{2n^2}\leqslant \frac{1}{(n+1)(n+2)}\;.
$

En fait c'est vrai pour $ n\geqslant 4$, mais il est inutile de calculer une valeur précise de $ n_0$. On en déduit que la série de terme général $ \frac{1}{2n^2}$ converge, d'où le résultat par linéarité. Montrons maintenant que

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{(\ln(n))^\alpha}{n^3}
\;$ converge,

pour tout réel $ \alpha$. En effet :

$\displaystyle \lim_{n\rightarrow\infty} \frac{1}{n}(\ln(n))^\alpha = 0\;.
$

Donc il existe $ n_0$ tel que pour $ n\geqslant
n_0$,

$\displaystyle \frac{1}{n}(\ln(n))^\alpha \leqslant 1\;.
$

En multipliant les deux membres par $ \frac{1}{n^2}$ :

$\displaystyle \frac{(\ln(n))^\alpha}{n^3} \leqslant \frac{1}{n^2}\;.
$

Comme la série $ \sum \frac{1}{n^2}$ converge, il en est de même de la série $ \sum \frac{(\ln(n))^\alpha}{n^3}$, par le théorème 3.

Inversement, nous avons vu que la série $ \sum \frac{1}{n}$ diverge. On en déduit facilement que les séries $ \sum \frac{\ln(n)}{n}$ et $ \sum \frac{1}{\sqrt{n}}$ divergent également. Le théorème de comparaison permet d'utiliser des équivalents.

Théorème 4   Soient $ (u_n)$ et $ (v_n)$ deux suites à termes strictement positifs, équivalentes au voisinage de $ +\infty$.

$\displaystyle u_n\;\mathop{\sim}_{+\infty}\;v_n\Longleftrightarrow
\lim_{n\rightarrow\infty} \frac{u_n}{v_n}=1\;.
$

Alors les séries $ \sum
u_n$ et $ \sum v_n$ sont de même nature (convergentes ou divergentes).

Démonstration : Par hypothèse, pour tout $ \varepsilon>0$, il existe $ n_0$ tel que pour tout $ n\geqslant
n_0$,

$\displaystyle \left\vert\frac{u_n}{v_n} -1\right\vert <\varepsilon\Longleftrightarrow
(1-\varepsilon)v_n <u_n <(1+\varepsilon) v_n\;.
$

Fixons $ \varepsilon <1$. Si $ \sum
u_n$ converge, alors par le théorème de comparaison 3, $ \sum(1-\varepsilon) v_n$ converge, donc $ \sum v_n$ également. Réciproquement, si $ \sum
u_n$ diverge, alors $ \sum (1+\varepsilon)v_n$ diverge, et $ \sum v_n$ aussi.$ \square$ Par exemple,

$\displaystyle \sum \frac{n^2+3n+1}{n^4+2n^3+4}
\;$ converge,

$\displaystyle \sum \frac{n +\ln(n)}{n^3}
\;$ converge.

Dans les deux cas, le terme général est équivalent à $ \frac{1}{n^2}$, et nous avons vu que la série $ \sum \frac{1}{n^2}$ converge. Par contre

$\displaystyle \sum \frac{n^2+3n+1}{n^3+2n^2+4}
\;$ diverge,

$\displaystyle \sum \frac{n +\ln(n)}{n^2}
\;$ diverge.

Dans les deux cas, le terme général est équivalent à $ \frac{1}{n}$, et nous avons vu que la série $ \sum \frac{1}{n}$ diverge.

Les théorèmes 3 et 4 permettent de ramener les séries à termes positifs à un catalogue de séries dont la convergence est connue. Dans ce catalogue, on trouve les séries de Riemann $ \sum n^{-\alpha}$ et de Bertrand $ \sum n^{-1}(\ln(n))^{-\beta}$. On les étudie en utilisant les intégrales correspondantes grâce au théorème suivant, illustré sur la figure 2.

Figure 2: Comparaison entre une série à termes positifs et l'intégrale d'une fonction décroissante sur $ [0,+\infty [$.
\includegraphics[width=12cm]{serieintegrale2}

Théorème 5   Soit $ f$ une fonction de $ \mathbb{R}^+$ dans $ \mathbb{R}^+$, décroissante. La série de terme général $ u_n=f(n)$ est de même nature (convergente ou divergente) que l'intégrale $ \int_0^{+\infty} f(t) \mathrm{d}t$.

Démonstration : Comme $ f$ est décroissante, les inégalités $ u_n\geqslant f(x)\geqslant
u_{n+1}$ sont vraies pour tout $ x\in[n,n+1]$. En intégrant entre $ n$ et $ n+1$ on obtient :

$\displaystyle u_n \geqslant \int_n^{n+1} f(t) \mathrm{d}t\geqslant u_{n+1}\;.
$

Par la relation de Chasles, la somme de 0 à $ n$ donne :

$\displaystyle u_0+\cdots+u_n \geqslant \int_0^{n+1} f(t) \mathrm{d}t
\geqslant u_1+\cdots+u_{n+1}\;.
$

La série $ \sum
u_n$ converge et a pour somme $ s$, si et seulement si la suite des sommes partielles converge vers $ s$. Dans ce cas $ \int_0^{n+1} f(t) \mathrm{d}t$ est majorée par $ s$, et comme $ \int_0^x f(t) \mathrm{d}t$ est fonction croissante de $ x$, l'intégrale converge. Réciproquement, si l'intégrale converge, alors $ \int_0^{n+1} f(t) \mathrm{d}t$ est majorée, la suite des sommes partielles aussi, et elle converge.$ \square$ Rappelons que le point de départ de la sommation n'a pas d'influence sur la convergence des séries. Le théorème 5 reste vrai pour des fonctions définies sur $ [N,+\infty[$ au lieu de $ [0,+\infty [$. Nous l'appliquons à $ f(t)=t^{-\alpha}$, puis $ f(t) = t^{-1}(\ln(t))^{-\beta}$.

$\displaystyle \int_1^{x} t^{-\alpha} \mathrm{d}t =
\left\{\begin{array}{ll}
\d...
...box{si }\alpha\neq
1 [1.5ex]
\ln(x) &\mbox{si }\alpha=1
\end{array}\right.
$

$\displaystyle \int_2^{x} t^{-1}(\ln(t))^{-\beta} \mathrm{d}t =
\left\{\begin{a...
...eq
1 [1.5ex]
\ln(\ln(x))-\ln(\ln(2)) &\mbox{si }\beta=1
\end{array}\right.
$

Séries de Riemann

   Si $\displaystyle \alpha\leqslant 1\quad \sum_{n=1}^{+\infty} n^{-\alpha}
\;$ diverge.

   Si $\displaystyle \alpha > 1\quad \sum_{n=1}^{+\infty} n^{-\alpha}
\;$ converge.

Séries de Bertrand

   Si $\displaystyle \beta\leqslant 1\quad \sum_{n=2}^{+\infty} n^{-1}(\ln(n))^{-\beta}
\;$ diverge.

   Si $\displaystyle \beta > 1\quad \sum_{n=2}^{+\infty} n^{-1}(\ln(n))^{-\beta}
\;$ converge.

Nous retrouvons en particulier le fait que $ \sum \frac{1}{n^2}$ converge, alors que $ \sum \frac{1}{n}$ diverge. Voici deux exemples d'utilisation des équivalents pour la comparaison avec les séries de Riemann et de Bertrand.

La série

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \ln\left(1+\frac{1}{n^2}\right)
\;$ converge.

En effet :

$\displaystyle \ln\left(1+\frac{1}{n^2}\right)\;\mathop{\sim}_{+\infty}\;\frac{1}{n^2}\;,
$

et la série de Riemann $ \sum \frac{1}{n^2}$ converge.

La série

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{1-\cos\left(\frac{1}{n\sqrt{\ln(n)}}\right)}
{\sin(\frac{1}{n})}
\;$ diverge.

En effet :

$\displaystyle \frac{1-\cos\left(\frac{1}{n\sqrt{\ln(n)}}\right)}
{\sin(\frac{1}{n})}\;\mathop{\sim}_{+\infty}\;\frac{1}{2n\ln(n)}\;,
$

et la série de Bertrand $ \sum \frac{1}{n\ln(n)}$ diverge. Nous allons à nouveau appliquer le théorème de comparaison, pour montrer que si le terme général d'une série est un produit de facteurs dont l'un est dominant, alors la nature de la série est dictée par le terme dominant.

Proposition 2   Soient $ r$ et $ r'$ deux réels tels que $ 0<r<r'<1$. Soit $ (a_n)_{n\in\mathbb{N}}$ une suite telle que $ \left(\frac{r}{r'}\right)^na_n$ soit bornée. Alors la série

$\displaystyle \sum r^n \vert a_n\vert
\;$ converge.

Démonstration : Par hypothèse, il existe $ M$ tel que :

$\displaystyle \left\vert\left(\frac{r}{r'}\right)^na_n\right\vert<M\;.
$

En multipliant les deux membres par $ {r'}^n$, on obtient :

$\displaystyle \vert r^n a_n\vert \leqslant M{r'}^n\;.
$

D'où le résultat par le théorème de comparaison 3, puisque $ \sum {r'}^n$ converge.$ \square$ Comme application de cette proposition, si $ r$ est tel que $ 0<r<1$ et $ \alpha$ est un réel quelconque, la série

$\displaystyle \sum n^\alpha r^n
\;$ converge.

Proposition 3   Soient $ \alpha$ et $ \alpha'$ deux réels tels que $ 1<\alpha'<\alpha$ et $ (a_n)$ une suite telle que $ n^{-(\alpha-\alpha')}a_n$ soit bornée. Alors la série

$\displaystyle \sum n^{-\alpha} \vert a_n\vert
\;$ converge.

Démonstration : Par hypothèse, il existe $ M$ tel que :

$\displaystyle \left\vert n^{-(\alpha-\alpha')}a_n\right\vert<M\;.
$

En multipliant les deux membres par $ n^{-\alpha'}$, on obtient :

$\displaystyle \vert n^{-\alpha} a_n\vert \leqslant Mn^{-\alpha'}\;.
$

D'où le résultat par le théorème de comparaison 3, puisque $ \sum n^{-\alpha'}$ converge.$ \square$ Comme conséquence de cette proposition, pour tout $ \alpha>1$ et pour tout réel $ \beta$,

$\displaystyle \sum n^{-\alpha} (\ln(n))^\beta
\;$ converge.

Dans le catalogue des séries dont la nature est connue, on trouve aussi les séries géométriques et la série exponentielle. Pour la comparaison avec les séries géométriques, il existe deux critères mieux adaptés que les équivalents. Ils font l'objet de la section suivante.

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