Les coupures de Dedekind

La construction rigoureuse de l'ensemble des réels ne date que de la seconde moitié du 19e siècle. De nombreux mathématiciens y ont participé, parmi eux Julius Dedekind (1831-1877). Voici ce qu'il écrivit dans «Continuité et nombres rationnels»  en 1872, pour définir ce que l'on nommera coupures de Dedekind.
[...] La comparaison faite ci-dessus entre le domaine des nombres rationnels et une droite a induit à reconnaître que le premier est lacunaire, incomplet ou discontinu, tandis que la droite doit être dite complète, non-lacunaire ou continue. Mais en quoi consiste en fait cette continuité ?

Tout doit être contenu dans la réponse donnée à cette question, et elle seule fournit un fondement scientifique aux recherches portant sur tous les domaines continus. On n'obtient rien bien sûr par de vagues discours sur la connexion ininterrompue existant dans les plus infimes parties ; il s'agit d'indiquer une caractéristique de la continuité, utilisable comme base de déductions effectives. J'y ai réfléchi longtemps en vain, mais finalement j'ai trouvé ce que je cherchais. Les avis sur cette découverte seront peut-être partagés ; je crois cependant que la plupart des gens en trouveront le contenu très trivial. Il consiste en ceci. Au paragraphe précédent, on attire l'attention sur le fait que tout point $ p$ de la droite opère une division de celle-ci en deux portions telles que tout point d'une portion est à gauche de tout point de l'autre. Je trouve alors l'essence de la continuité dans la réciproque, c'est-à-dire dans le principe suivant :

Si tous les points de la droite sont répartis en deux classes, telles que tout point de la première classe soit situé à gauche de tout point de la seconde classe, il existe un point et un seul qui opère cette partition de tous les points en deux classes, cette découpe de la droite en deux portions.


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