La pédagogie des sourds-muets

Comme la plupart des savants de son temps, John Wallis (1616-1703) avait de nombreuses cordes à son arc. Pendant plus de 40 ans, il fut le cryptographe en chef du parlement puis de la cour royale. Il publia aussi sur la théologie, la théorie de la musique, la circulation du sang, la collision des corps, la logique, la grammaire anglaise, etc. Il était surtout un excellent mathématicien et un formidable calculateur, capable dit-on d'extraire de tête la racine carrée d'un nombre de plus de 50 chiffres. Son «Arithmetica Infinitorum», publié en 1656, préfigure le calcul infinitésimal. Par des méthodes de calcul de séries, il obtient pour la première fois l'intégrale des puissances de la variable, y compris négatives. Il est donc le premier à avoir compris que l'aire d'un domaine non borné peut être finie.

$\displaystyle \forall r>1\;,\quad \int_1^{+\infty} \frac{1}{x^r} \mathrm{d}r
=\frac{1}{r-1}\;.
$

Bien sûr, il n'exprimait pas le résultat sous cette forme, et ses raisonnements étaient essentiellement géométriques. Il est tout de même le premier à avoir noté l'infini par le symbole $ \infty$. Sa controverse de plus de 20 ans avec Thomas Hobbes (1588-1679) est restée célèbre. Il faut dire que Hobbes ne se contentait pas d'avoir fondé la philosophie politique (il est l'inventeur de la notion de «contrat social»). Il prétendait aussi résoudre les problèmes mathématiques classiques qu'étaient la quadrature du cercle et la duplication du cube, mais avait beaucoup mal à reconnaître que ses démonstrations étaient fausses. Quand en 1661 Wallis entreprend d'apprendre l'anglais à un sourd-muet, la comparaison ne manque pas de saveur.
I am now upon another work; as hard almost as to make Mr. Hobbes understand a demonstration. It is to teach a person dumb and deaf to speak, and to understand a language: of which he could do either, the other would be more easy; but knowing neither, makes both the harder. And although the former may be thought the more difficult, the latter may perhaps require as much of time. For, if a considerable time be requisite for him, that can speak no one, to learn a second language; much more for him, that knows none, nor hath so much as the advantage of speech.

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