Groupe orthogonal, angles

Proposition 14   Soit $ f$ une application linéaire d'un espace vectoriel euclidien $ E$ dans lui-même. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
  1. $ f$ conserve le produit scalaire : $ \la f(u), f(v) \ra=\la u,v \ra$ pour tout couple $ (u,v)\in E\times E$ ;
  2. $ f$ conserve la norme : $ \Vert f(u)\Vert=\Vert u\Vert$ pour tout $ u\in E$ ;
  3. l'image par $ f$ de toute base orthonormée de $ E$ est une base orthonormée ;
  4. il existe une base orthonormée de $ E$ dont l'image par $ f$ est une base orthonormée ;
  5. il existe une base orthonormée de $ E$ dans laquelle la matrice de $ f$ est orthogonale ;
  6. la matrice de $ f$ dans toute base orthonormée de $ E$ est orthogonale.

Définition 11   Une application linéaire de $ E$ dans $ E$ vérifiant ces propriétés équivalentes est appelée transformation orthogonale ou automorphisme orthogonal de $ E$.

Démonstration : L'équivalence de 4 et 5, de même que celle de 6 et 3, provient de la proposition 9, l'implication $ 1\Rightarrow 3$ de la définition d'une transformation orthogonale, l'implication $ 4\Rightarrow 1$ de l'expression du produit scalaire dans une base orthonormale, les implications $ 1\Rightarrow 2$ et $ 3\Rightarrow 4$ sont triviales. Il reste à montrer l'implication $ 2\Rightarrow 1$. Si $ f$ est linéaire et conserve les normes, alors

$\displaystyle \la f(u),f(v) \ra$ $\displaystyle = \dfrac12 \left[ \Vert f(u)+f(v)\Vert^2-\Vert f(u)\Vert^2-\Vert f(v)\Vert^2 \right]$    
  $\displaystyle = \dfrac12 \left[ \Vert f(u+v)\Vert^2-\Vert f(u)\Vert^2-\Vert f(v)\Vert^2 \right]$    
  $\displaystyle = \dfrac12 \left[ \Vert u+v\Vert^2-\Vert u\Vert^2-\Vert v\Vert^2 \right]$    
  $\displaystyle = \la u,v \ra$    

pour tout couple $ (u,v)$.$ \square$

Il résulte de la proposition suivante que toute application d'un espace vectoriel euclidien dans lui-même qui conserve le produit scalaire est une transformation orthogonale (mais une application qui conserve seulement la norme n'est pas nécessairement linéaire) :

Proposition 15   Soit $ E$ un espace vectoriel euclidien et $ f$ une application de $ E$ dans $ E$ qui conserve le produit scalaire : $ \la f(u), f(v) \ra=\la u,v \ra$ pour tout couple $ (u,v)$ de vecteurs de $ E$. Alors $ f$ est linéaire.

Démonstration : La conservation du produit scalaire entraîne :

\begin{displaymath}\begin{split}\Vert f(\lambda u +\mu v)-\lambda f(u)-\mu f(v)\...
...\lambda u +\mu v)-\lambda u-\mu v\Vert^2\\ &=0 \, , \end{split}\end{displaymath}    

d'où $ f(\lambda u +\mu v)=\lambda f(u)+\mu f(v)$ pour tout couple $ (\lambda,\mu)$ de réels et tout couple $ (u,v)$ de vecteurs de $ E$.$ \square$

Exemple : les symétries orthogonales

Proposition 16   Une symétrie vectorielle est une transformation orthogonale si et seulement si c'est une symétrie orthogonale.

Démonstration : Soit $ s$ la symétrie par rapport à un sous-espace vectoriel $ F$ dans la direction du sous-espace vectoriel $ G$. Si $ s$ est une transformation orthogonale, elle conserve le produit scalaire, d'où, pour tout vecteur $ u$ de $ F$ et tout vecteur $ v$ de $ G$ 

$\displaystyle \la u,v \ra=\la s(u),s(v) \ra=\la u,-v \ra=-\la u,v \ra$

d'où $ \la u,v \ra=0$, ce qui montre que $ F$ et $ G$ sont orthogonaux.

Réciproquement, si $ G=F^\perp$, tout vecteur $ x$ s'écrit $ x=u+v$, avec $ u\in F$ et $ v\in G$, et $ s(x)=u-v$, d'où $ \Vert s(x)\Vert^2=\Vert u\Vert^2+\Vert v\Vert^2=\Vert x\Vert^2$, puisque $ \la u,v \ra=0$, ce qui montre que $ s$ est une transformation orthogonale.$ \square$

Groupe orthogonal

Proposition 17   L'ensemble des automorphismes orthogonaux d'un espace vectoriel euclidien $ E$ est un sous-groupe (pour la composition) du groupe linéaire de $ E$ (groupe des applications linéaires bijectives de $ E$ sur $ E$, noté $ GL(E)$). Ce sous-groupe est appelé groupe orthogonal de $ E$ et noté $ O(E)$.

L'ensemble des automorphismes orthogonaux de déterminant +1 de $ E$ est un sous-groupe de $ O(E)$, appelé groupe spécial orthogonal de $ E$, et noté $ SO(E)$ ou $ O^+(E)$.

Rappel : Soit $ \mathcal B$ une base orthonormée d'un espace vectoriel euclidien $ E$ de dimension $ n$. L'application qui à toute application linéaire bijective de $ E$ dans $ E$ associe sa matrice dans la base $ \mathcal B$ est un isomorphisme du groupe $ GL(E)$ sur le groupe $ GL_n(\mathbb{R})$ des matrices réelles carrées d'ordre $ n$. La restriction de cet isomorphisme à $ O(E)$ est un isomorphisme de $ O(E)$ sur le groupe $ O(n)$ des matrices orthogonales d'ordre $ n$.

Le groupe orthogonal en dimension 2

Dans cette partie, $ E$ est un plan vectoriel euclidien orienté.

Proposition 18   Toute matrice orthogonale $ A$ d'ordre 2 est de l'une des deux formes suivantes :

Proposition 19   L'application qui à un réel $ \theta$ associe la matrice $ R_\theta=\begin{pmatrix}\cos \theta & -\sin \theta\\
\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$ est un homomorphisme surjectif du groupe additif $ (\mathbb{R},+)$ sur le groupe multiplicatif $ SO(2)$. Son noyau est le sous-groupe $ 2\pi \mathbb{Z}$ des multiples entiers de $ 2\pi$. Il en résulte que $ SO(2)$ est isomorphe au groupe additif $ (\mathbb{R}/2\pi \mathbb{Z},+)$ des réels modulo $ 2\pi$.

Démonstration : La proposition découle immédiatement des formules d'addition des fonctions trigonométriques :

$\displaystyle R_\theta R_{\theta'}=
\begin{pmatrix}\cos \theta & -\sin \theta\\...
...(\theta+\theta') & \cos (\theta+\theta')
\end{pmatrix}=
R_{\theta+\theta'} \; .$

$ \square$

Un élément de $ O^+(E)$ est appelé rotation vectorielle.

Corollaire 2   Le groupe $ O^+(E)$ des rotations vectorielles planes est commutatif, isomorphe au groupe additif $ (\mathbb{R}/2\pi \mathbb{Z},+)$ des réels modulo $ 2\pi$.

Corollaire 3   La matrice d'une rotation vectorielle est la même dans toute base orthonormée directe.

Démonstration : Cela découle immédiatement de la commutativité de $ SO(2)$ ; en effet si une rotation vectorielle a pour matrice $ A\in SO(2)$ dans une base orthonormée directe, sa matrice dans une autre base orthonormée directe sera de la forme $ P^{-1}AP$, où la matrice de passage $ P$ appartient aussi à $ SO(2)$ ; comme $ SO(2)$ est abélien, on a $ P^{-1}AP=A$.$ \square$

Il en résulte que l'isomorphisme du corollaire 2 ne dépend pas du choix d'une base orthonormée directe.

Remarque : La rotation de matrice $ R_\theta$ dans une base orthonormée directe a pour matrice $ R_{-\theta}$ dans une base orthonormée indirecte. Changer l'orientation du plan revient donc à changer le signe de $ \theta$.

Proposition 20   Tout élément de $ O^-(E)$ est une réflexion vectorielle (symétrie orthogonale par rapport à une droite vectorielle).

Démonstration : Le polynôme caractéristique d'une matrice $ \begin{pmatrix}a &b\\ b&-a\end{pmatrix}$ avec $ a^2+b^2=1$ est $ X^2-1$, cette matrice est donc semblable à la matrice $ \begin{pmatrix}1 & 0\\ 0 & -1\end{pmatrix}$, ce qui montre que toute transformation orthogonale négative du plan est une symétrie par rapport à une droite. Cette symétrie est une symétrie orthogonale d'après la proposition 16 .$ \square$

Proposition 21   Pour tout couple $ (u,v)$ de vecteurs unitaires de $ E$, il existe une rotation vectorielle $ r$ et une seule transformant le premier en le second, i.e. telle que $ r(u)=v$.

Démonstration : On complète $ u$ en une base orthonormée directe $ (u,u_1)$ de $ E$. Dans cette base, $ v$ s'écrit $ v=au+bu_1$, où $ a$ et $ b$ sont deux réels vérifiant $ a^2+b^2=1$. Une rotation vectorielle $ r$ vérifie $ r(u)=v$ si et seulement si la première colonne de sa matrice dans cette base a pour coefficients $ a$ et $ b$ ; or il existe une et une seule matrice de $ SO(2)$ ayant cette propriété.$ \square$

Angles

On se propose dans cette partie de définir les principales notions d'angles utilisées en géométrie plane. La notion première sera celle d'angle orienté de vecteurs ou, ce qui revient au même, d'angle orienté de demi-droites vectorielles. En effet l'angle de deux vecteurs non nuls $ u$ et $ v$ sera, par définition, l'angle des deux vecteurs unitaires $ \dfrac{u}{\Vert u\Vert}$ et $ \dfrac{v}{\Vert v\Vert}$ qui leur sont directement proportionnels ; or toute demi-droite vectorielle possède un vecteur directeur unitaire et un seul, et tout vecteur non nul définit une demi-droite vectorielle de manière unique. L'angle de deux vecteurs non nuls $ u$ et $ v$, ou l'angle des deux demi-droites vectorielles $ \mathbb{R}_+u$ et $ \mathbb{R}_+v$ qu'ils engendrent, sera donc simplement l'angle des vecteurs unitaires $ \dfrac{u}{\Vert u\Vert}$ et $ \dfrac{v}{\Vert v\Vert}$. Dans toute la suite, nous ne considérerons donc essentiellement que des vecteurs unitaires.

Deux approches sont proposées : la première, rapide et concrète, consiste à identifier un angle et sa mesure, c'est-à-dire à considérer un angle orienté de vecteurs comme une classe d'équivalence de réels modulo $ 2\pi$ ; la seconde, plus abstraite, définit un angle comme une classe d'équivalence de couples de vecteurs et permet de distinguer l'angle de sa mesure (qui dépend de l'orientation du plan, alors que l'angle lui-même n'en dépend pas). Les deux approches reposent sur la même idée : l'angle de deux vecteurs est l'angle de l'unique rotation qui transforme le premier en le second (l'existence et l'unicité de cette rotation sont assurées par la proposition 21).

Une remarque sur la terminologie : dans l'expression «angle orienté de vecteurs», «orienté» ne se réfère pas à l'orientation du plan, mais à l'ordre dans lequel sont écrits les vecteurs (l'angle $ \widehat{(v,u)}$ est l'opposé de l'angle $ \widehat{(u,v)}$). On verra par contre que cet ordre est indifférent quand on parle d'angles géométriques.

Angles : première approche

Angles orientés de vecteurs

Soient $ u$ et $ v$ deux vecteurs unitaires du plan vectoriel euclidien orienté $ E$. Il existe une et une seule rotation vectorielle $ r_\theta$ transformant $ u$ en $ v$. La matrice de cette rotation est la même dans toute base orthonormée directe et s'écrit $ R_\theta=\begin{pmatrix}\cos \theta & -\sin \theta\\
\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$, où le réel $ \theta$ est uniquement déterminé modulo $ 2\pi$. On définit alors l'angle orienté $ \widehat{(u,v)}$ des deux vecteurs comme la classe $ \bar \theta$ de $ \theta$ dans $ \mathbb{R}/2\pi\mathbb{Z}$. On dira, pour abréger, qu'un angle orienté de deux vecteurs est un réel défini modulo $ 2\pi$, et on appellera mesure principale de cet angle l'unique représentant de cette classe dans $ ]-\pi,+\pi]$. Au niveau des notations, on ne distinguera plus un réel $ \theta$ de sa classe $ \bar \theta$ modulo $ 2\pi$.

Remarque : la matrice de cette même rotation dans toute base orthonormée indirecte est $ R_{-\theta}=\begin{pmatrix}\cos \theta & \sin \theta\\
-\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$. Changer l'orientation du plan change donc les angles en leurs opposés.

Angles particuliers : Pour tout vecteur $ u$, l'angle $ \widehat{(u,u)}$ est l'angle nul et l'angle $ \widehat{(u, -u)}$ est l'angle plat, de mesure principale $ \pi$. Si $ u$ et $ v$ sont deux vecteurs orthogonaux, l'angle $ \widehat{(u,v)}$ est un angle droit, de mesure principale $ \pi/2$ ou $ -\pi/2$.

Proposition 22   Relation de Chasles pour les angles

Pour tout triplet $ (u,v,w)$ de vecteurs non nuls, on a :

$\displaystyle \widehat{(u,v)}+\widehat{(v,w)}=\widehat{(u,w)}\; .$

En particulier, les angles $ \widehat{(u,v)}$ et $ \widehat{(v,u)}$ sont opposés.

Démonstration : Si $ r_\theta(u)=v$ et $ r_{\theta'}(v)=w$, alors $ w=r_{\theta'}\circ r_\theta (u)$. La relation de Chasles découle alors immédiatement de l'égalité $ R_{\theta'} R_{\theta}=R_{\theta+\theta'}$,$ \square$

Proposition 23   Action des transformations orthogonales sur les angles

1) Toute rotation vectorielle $ r$ conserve les angles orientés de vecteurs : $ \widehat{(r(u),r(v))}=\widehat{(u,v)}$ pour tout couple $ (u,v)$ de vecteurs non nuls.

2) Toute réflexion vectorielle $ s$ transforme les angles orientés de vecteurs en leurs opposés : $ \widehat{(s(u),s(v))}=-\widehat{(u,v)}$ pour tout couple $ (u,v)$ de vecteurs non nuls.

Démonstration

La première propriété résulte immédiatement de la commutativité du groupe $ O^+(E)$ : en effet, l'unique rotation $ r_1$ qui transforme $ u$ en $ v$ transforme aussi $ r(u)$ en $ r(v)$, puisque $ r_1(r (u))=r(r_1 (u))=r(v)$.

Pour démontrer la seconde, il suffit de remarquer que si $ r$ est une rotation et $ s$ une réflexion, alors $ s \circ r$ est une réflexion, d'où $ r^{-1} \circ s =(s \circ r)^{-1}=s\circ r$. Il en résulte que si $ v=r(u)$, alors $ s(v)=r^{-1}(s(u))$.$ \square$

Angles orientés de droites

Une droite vectorielle a deux vecteurs directeurs unitaires et ces vecteurs sont opposés. Pour définir l'angle orienté de deux droites vectorielles, on a donc a priori le choix entre quatre angles de vecteurs : $ \widehat{(u,v)}$, $ \widehat{(-u,v)}$, $ \widehat{(u,-v)}$ et $ \widehat{(-u,-v)}$ (en fait deux, puisque $ \widehat{(u,v)}=\widehat{(-u,-v)}$ et $ \widehat{(u,-v)}=\widehat{(-u,v)}$). Il faut identifier ces deux angles, qui diffèrent d'un angle plat : l'angle orienté de deux droites est donc un réel défini modulo $ \pi$, i.e. un élément de $ \mathbb{R}/\pi \mathbb{Z}$. La relation de Chasles est encore vraie pour les angles orientés de droites, qui sont également conservés par toute rotation et transformés en leurs opposés par les réflexions.

Angles géométriques

L'angle géométrique de deux vecteurs $ u$ et $ v$ est simplement la valeur absolue de la mesure principale de $ \widehat{(u,v)}$. C'est donc un réel compris entre 0 et $ \pi$, et ce réel ne dépend pas de l'ordre des deux vecteurs. De plus toute tranformation orthogonale (directe ou indirecte) conserve les angles géométriques. Par contre, la relation de Chasles n'est plus toujours vraie pour les angles géométriques.

En particulier, l'angle géométrique de deux vecteurs unitaires $ u$ et $ v$ est égal à $ \arccos(\la u, v \ra)$.

Bissectrices

Pour tout couple de vecteurs unitaires $ u$ et $ v$, il existe une et une seule réflexion vectorielle $ s$ qui échange $ u$ et $ v$. Son axe est une droite vectorielle appelée bissectrice du couple $ (u,v)$ (ou du couple de demi-droites vectorielles engendrées respectivement par $ u$ et $ v$), dirigée par le vecteur $ u+v$ si $ u$ et $ v$ ne sont pas opposés. Un vecteur directeur unitaire $ w$ de cet axe vérifie $ \widehat{(u,w)}=\widehat{(w,v)}$, ou encore $ \widehat{(u,v)}=2\widehat{(u,w)}$ et cette relation détermine $ w$ uniquement modulo $ \pi$.

Pour tout couple $ (D_1,D_2)$ de droites vectorielles, il existe exactement deux réflexions vectorielles les échangeant. Les axes de ces réflexions sont des droites vectorielles orthogonales, qui sont appelées bissectrices du couple de droites.

Composée de deux réflexions vectorielles

Proposition 24   Soient $ s_1$ et $ s_2$ deux réflexions vectorielles, d'axes respectifs $ D_1$ et $ D_2$. Le composé $ s_2 \circ s_1$ de ces deux réflexions est la rotation vectorielle d'angle $ 2\widehat{(D_1,D_2)}$ (l'angle de droites $ \widehat{(D_1,D_2)}$ est seulement déterminé modulo $ \pi$, mais $ 2\widehat{(D_1,D_2)}$ est bien défini modulo $ 2\pi$ : c'est un angle orienté de vecteurs).

Démonstration : Soient $ u_1$ et $ u_2$ des vecteurs directeurs unitaires de $ D_1$ et $ D_2$. Le composé $ s_2 \circ s_1$ des deux réflexions $ s_1$ et $ s_2$ est une rotation vectorielle d'angle

$\displaystyle \widehat{(u_1,s_2\circ s_1(u_1))}=\widehat{(u_1,s_2(u_1))}=\widehat{(u_1,u_2)}+\widehat{(u_2,s_2(u_1))} \; .$

Mais d'après la proposition 23, on a :

$\displaystyle \widehat{(u_2,s_2(u_1))}=\widehat{(s_2(u_2),s_2(u_1))}=-\widehat{(u_2,u_1)}=\widehat{(u_1,u_2)} \; .$

L'angle de $ s_2 \circ s_1$ est donc $ 2\widehat{(u_1,u_2)}$.$ \square$

Angles : seconde approche

Angles orientés de vecteurs

Soit $ \U$ l'ensemble des vecteurs unitaires de $ E$. L'idée est la même que précédemment : on voudrait que l'angle $ \widehat{(u_1,v_1)}$ soit égal à l'angle $ \widehat{(u_2,v_2)}$ si c'est la même rotation qui transforme, pour chacun de ces couples, le premier vecteur en le second. La procédure standard pour cela est de définir une relation d'équivalence sur l'ensemble $ \U \times \U$ des couples de vecteurs unitaires de $ E$ :

Proposition 25   La relation $ \mathcal R$ définie sur l'ensemble $ \U \times \U$ des couples de vecteurs unitaires de $ E$ par :

\begin{multline*}
(u_1,v_1) \mathcal R (u_2,v_2) \text{ si et seulement si}\\
\...
...(E) \text{ vérifiant }r(u_1)=v_1 \text{ et }r(u_2)=v_2 \quad (*)
\end{multline*}

est une relation d'équivalence.

On a vu (proposition 21) qu'il existe toujours une rotation $ r_1$ et une seule vérifiant $ r_1(u_1)=v_1$ et une rotation $ r_2$ et une seule vérifiant $ r_2(u_2)=v_2$ ; la relation $ (*)$ signifie que les couples $ (u_1,v_1)$ et $ (u_2,v_2)$ sont en relation si et seulement si $ r_1=r_2$.

Remarques :

1) Cette relation est tout à fait analogue à celle qui définit l'équipollence de bipoints : si on veut définir les vecteurs à partir des points, on dit que deux couples $ (A,B)$ et $ (A',B')$ de points sont équipollents si c'est la même translation qui transforme $ A$ en $ B$ et $ A'$ en $ B'$.

2) On montre facilement, en utilisant la commutativité de $ O^+(E)$, que la relation $ (*)$ équivaut encore à :

il existe $\displaystyle r_1 \in O^+(E)$    vérifiant $\displaystyle r_1(u_1)=u_2$    et $\displaystyle r_1(v_1)=v_2 \quad (**).$

Définition 12   On appelle angle de deux vecteurs unitaires $ u$ et $ v$, et on note $ \wh{(u,v)}$ la classe d'équivalence du couple $ (u,v)$ pour la relation $ \mathcal R$.

On a donc bien $ \wh{(u_1,v_1)}=\wh{(u_2,v_2)}$ si et seulement si $ (*)$ (ou $ (**)$) est vérifiée.


On a défini les angles. On voudrait maintenant définir une addition sur l'ensemble $ A$ des angles. Il suffit pour cela de transporter sur $ A$ la loi de composition naturelle sur $ O^+(E)$. L'ensemble $ A$ est en effet en bijection naturelle avec $ O^+(E)$ :

Proposition 26   L'application qui à une rotation $ r \in O^+(E)$ associe l'angle $ \wh{(u,r(u))}$ ne dépend pas du choix du vecteur unitaire $ u\in \U$. C'est une bijection de $ O^+(E)$ sur $ A$, et la bijection réciproque associe à un angle $ \wh{(u,v)}$ l'unique rotation $ r$ vérifiant $ v=r(u)$ (cette rotation ne dépend pas du représentant choisi pour l'angle).

Définition 13   La somme $ \wh{(u_1,v_1)}+\wh{(u_2,v_2)}$ de deux angles est l'angle $ \widehat{(u,r_2\circ r_1(u))}$, où $ r_i$ ($ i=1,2)$ est l'unique rotation de $ E$ vérifiant $ r_i(u_i)=v_i$.

On vérifie immédiatement que $ A$ muni de cette addition est un groupe abélien isomorphe à $ O^+(E)$ (on a tout fait pour cela). On récupère de plus immédiatement la relation de Chasles :

Proposition 27   Pour tout triplet $ (u,v,w)$ de vecteurs unitaires de $ E$, on a :

$\displaystyle \wh{(u,v)}+\wh{(v,w)}=\wh{(u,w)} \; .$

Démonstration : Il suffit de remarquer que si $ r_1(u)=v$ et $ r_2(v)=w$, alors $ r_2 \circ r_1(u)=w$.$ \square$

Angles particuliers

L'angle nul est bien sûr l'élément neutre du groupe $ (\A,+)$ des angles de vecteurs ; c'est l'angle $ \wh{(u,u)}$ pour tout vecteur unitaire $ u$ ; il correspond, dans l'isomorphisme précédent, à la rotation identité $ id_{E}$. Un autre angle remarquable est l'angle plat $ \varpi$ qui est l'angle $ \wh{(u,-u)}=\wh{(-u,u)}$ pour tout vecteur unitaire $ u$ ; il correspond à la rotation vectorielle $ -id_{E}$ ; c'est l'unique élément d'ordre 2 du groupe $ (\A,+)$ : $ \varpi+\varpi=0$. Le groupe $ A$ possède en outre deux éléments d'ordre 4, qui sont les angles droits : ce sont les angles $ \wh{(u,v)}$ et $ \wh{(u,-v)}$$ (u,v)$ est une base orthonormée quelconque de $ E$.

Angles géométriques

Un angle géométrique doit être invariant par toute transformation orthogonale (et non plus simplement par les seules rotations). On identifie donc cette fois deux couples de vecteurs unitaires s'il existe une transformation orthogonale $ f$ qui transforme le premier en le second : $ (u_1,v_1)$ et $ (u_2,v_2)$ sont équivalents si et seulement si il existe $ f \in O(E)$ vérifiant $ f(u_1)=u_2$ et $ f(v_1)=v_2$. Cela revient à quotienter $ A$ par la relation d'équivalence pour laquelle deux angles sont équivalents s'ils sont égaux ou opposés.

Angles orientés de droites

La manière naturelle de définir l'angle de deux droites vectorielles $ D_1$ et $ D_2$ est de prendre un vecteur directeur unitaire $ u_i$ sur chacune de ces droites et de définir $ \wh{(D_1,D_2)}$ comme étant $ \wh{(u_1,u_2)}$. Comme une droite vectorielle possède deux vecteurs directeurs unitaires opposés, on obtient ainsi a priori quatre valeurs, qui se réduisent en fait à deux, puisque $ \wh{(-u_1,-u_2)}=\wh{(u_1,u_2)}$ et $ \wh{(-u_1,u_2)}=\wh{(u_1,-u_2)}$. Il faut donc identifier ces deux valeurs, ce qui se fait, ici encore, au moyen d'une relation d'équivalence. Cette relation consiste à identifier les angles $ \wh{(u_1,u_2)}$ et $ \wh{(u_1,-u_2)}$, ou encore un angle $ \alpha$ et l'angle $ \alpha + \varpi$ : deux angles sont donc en relation si et seulement si leur différence est 0 ou $ \varpi$. L'addition des angles est compatible avec cette relation, ce qui permet de définir sur l'ensemble quotient $ A'$ de $ A$ par cette relation d'équivalence une addition qui fait de $ (\A',+)$ un groupe abélien, appelé groupe des angles de droites. Ce groupe n'est bien entendu rien d'autre que le groupe quotient du groupe abélien $ (\A,+)$ par son seul sous-groupe à deux éléments, constitué de l'angle nul et de l'angle plat. Il comporte lui-même un seul élément d'ordre 2, l'angle droit, qui est la classe des deux angles droits de vecteurs.

Mesure des angles

Rien de ce que nous avons fait jusqu'ici ne fait appel à l'orientation de $ E$ : on peut parfaitement définir les angles et écrire, par exemple, la relation de Chasles, sans avoir orienté le plan, et sans rien connaître non plus des fonctions trigonométriques. Par contre, dès qu'on veut mesurer les angles, l'orientation du plan joue un rôle essentiel. L'introduction de cette mesure des angles nécessite des outils d'analyse : il faut connaître les fonctions $ \cos$ et $ \sin$ et leurs propriétés, ou, ce qui revient essentiellement au même, la fonction $ t\mapsto e^{it}$ d'une variable réelle $ t$, en particulier le fait que cette fonction définit un homomorphisme du groupe additif $ (\mathbb{R},+)$ sur le groupe multiplicatif $ (U,\times)$ des nombres complexes de module 1, dont le noyau est le sous-groupe $ 2\pi \mathbb{Z}$. On en déduit un isomorphisme naturel du groupe quotient $ (\mathbb{R}/2\pi \mathbb{Z},+)$ sur $ (U,\times)$, et donc sur le groupe $ SO(2)$ des matrices orthogonales positives d'ordre 2 : cet isomorphisme associe à la classe du réel $ \theta$ la matrice $ R_\theta=\begin{pmatrix}\cos \theta & -\sin \theta\\
\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$.

Or le choix d'une orientation du plan permet d'identifier une rotation vectorielle $ r$ et une matrice de $ SO(2)$ : on associe simplement à $ r$ sa matrice dans n'importe quelle base orthonormée directe (il faut se souvenir que cette matrice ne dépend pas du choix d'une telle base). On obtient ainsi, par composition, un isomorphisme du groupe $ (\mathbb{R}/2\pi \mathbb{Z},+)$ sur le groupe $ (\A,+)$ des angles de vecteurs, ce qui permet d'identifier un angle et sa mesure, qui est, par définition, l'élément de $ \mathbb{R}/2\pi\mathbb{Z}$ qui lui correspond par cet isomorphisme. On retombe ainsi sur la définition adoptée dans la première approche de la notion d'angle orienté de vecteurs.

Cette mesure dépend de l'orientation : en effet, si une rotation vectorielle $ r$ a comme matrice $ R_\theta$ dans une base orthonormée directe, la matrice de $ r$ dans une base orthonormée indirecte est $ R_{-\theta}$. Autrement dit, si un angle a pour mesure $ \theta$ dans le plan orienté, et si on change l'orientation du plan, la mesure de l'angle devient $ -\theta$.

Si on veut mesurer les angles de droites, il faut factoriser l'homomorphisme de $ (\mathbb{R},+)$ dans le groupe $ (\A',+)$ des angles de droites, de noyau $ \pi\mathbb{Z}$, ce qui revient à identifier des réels différant d'un multiple entier de $ \pi$. La mesure d'un angle de droites est donc la classe d'équivalence d'un réel modulo $ \pi$ (cette mesure dépend, là encore, du choix d'une orientation).

Angles dans l'espace

On ne peut, dans l'espace vectoriel euclidien de dimension 3, même orienté, définir la mesure d'un angle orienté de deux vecteurs, ou de deux droites. En effet l'orientation de l'espace n'induit pas d'orientation naturelle sur un plan de cet espace : on ne peut donc distinguer entre un angle et son opposé (par contre, la mesure de l'angle d'une rotation est bien définie, à condition d'avoir orienté l'axe de cette rotation : en effet une orientation de l'axe par le choix d'un vecteur directeur unitaire $ u$ induit automatiquement une orientation du plan vectoriel orthogonal à cet axe (une base orthonormée $ (v,w)$ de ce plan est directe si la base $ (u,v,w)$ de l'espace est directe)). La notion la plus utile est donc ici celle d'angle géométrique de deux vecteurs unitaires, la mesure de l'angle de deux tels vecteurs $ u$ et $ v$ étant ici encore $ \arccos(\la u, v \ra)$. Il n'y a bien entendu plus non plus de relation de Chasles pour ces angles.

Groupe orthogonal en dimension 3

Dans cette partie, $ E$ est un espace vectoriel euclidien orienté de dimension 3.

Proposition 28   Toute transformation orthogonale $ f$ de $ E$ de déterminant +1 admet la valeur propre +1. L'espace propre associé est, si $ f$ n'est pas l'identité, une droite vectorielle $ D$. Le plan vectoriel $ P$ orthogonal à $ D$ est stable par $ f$ et la restriction de $ f$ à ce plan est une rotation vectorielle de $ P$. La matrice de $ f$ dans toute base orthonormée de $ E$ dont le premier vecteur $ u$ appartient à $ D$ s'écrit $ \begin{pmatrix}
1&0&0\\
0&\cos \theta&-\sin \theta\\
0&\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$ pour un réel $ \theta$, unique modulo $ 2\pi$.

On dit alors que $ f$ est la rotation vectorielle d'axe $ D$ (orienté par le choix du vecteur unitaire $ u$) et d'angle $ \theta$.

Démonstration : Soit $ A$ la matrice de $ f$ dans une base orthonormée directe de $ E$. De la relation

$\displaystyle \tr{A}(A-I)=\tr{A}A-\tr{A}=I-\tr{A}=\tr{(I-A)}$

on déduit

$\displaystyle \mathrm{det}(A-I)=\mathrm{det}(\tr{A})\mathrm{det}(A-I)=\mathrm{det}(\tr{A}(A-I))=\mathrm{det}(I-A)=-\mathrm{det}(A-I)$

d'où $ \mathrm{det}(A-I)=0$, ce qui montre que 1 est valeur propre de $ A$. Soit $ u$ un vecteur propre unitaire de $ f$ associé à la valeur propre 1, i.e. un vecteur unitaire fixe par $ f$. On vérifie que la matrice de $ f$ dans toute base orthonormée directe de $ E$ dont le premier vecteur est $ u$ s'écrit alors sous la forme indiquée dans l'énoncé. La proposition en résulte.$ \square$


Si on change l'orientation de l'axe $ D$ en prenant comme vecteur directeur $ -u$, l'angle $ \theta$ est changé en son opposé. La mesure de l'angle d'une rotation de l'espace dépend donc de l'orientation de son axe.

On remarque que l'angle géométrique d'une rotation s'obtient immédiatement à partir de la matrice de cette rotation : en effet, en reprenant les notations de la démonstration précédente, la trace de la matrice $ A$ est $ 1+2\cos\theta$ ; or la trace d'un endomorphisme ne dépend pas de la base (deux matrices semblables ont même trace) ; il en résulte que $ 1+2\cos\theta$ est la trace de la matrice de $ f$ dans n'importe quelle base de $ E$ (éventuellement non orthonormée).

Pour déterminer le signe de l'angle d'une rotation vectorielle, on peut utiliser la proposition suivante :

Proposition 29   Si $ f$ est une rotation vectorielle qui n'est pas un demi-tour, d'axe orienté par le choix d'un vecteur directeur $ u$, le signe de $ \sin\theta$ est celui de $ \mathrm{det}(u,v,f(v))$ pour tout vecteur $ v$ non colinéaire à $ u$.

Démonstration : Soit $ (i,j,k)$ une base orthonormée directe telle que $ i=\dfrac{u}{\Vert u\Vert}$. La matrice de $ f$ dans cette base est $ \begin{pmatrix}
1&0&0\\
0&\cos \theta&-\sin \theta\\
0&\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$. Si $ v$ a pour composantes $ (x,y,z)$ dans cette base, on a

$\displaystyle \mathrm{det}(u,v,f(v)) =
\begin{vmatrix}
\Vert u\Vert & x & x\\
...
... & z & y\sin\theta + z\cos\theta
\end{vmatrix}=\Vert u\Vert (y^2+z^2)\sin\theta$

qui est du signe de $ \sin\theta$ puisque $ y^2+z^2 >0$.$ \square$

Proposition 30   Toute transformation orthogonale $ f$ de $ E$ de déterminant -1 admet la valeur propre -1. L'espace propre associé est, si $ f$ est différente de $ -id_{E}$, une droite vectorielle $ D$. Le plan vectoriel $ P$ orthogonal à $ D$ est stable par $ f$ et la restriction de $ f$ à ce plan est une rotation vectorielle de $ P$. Si cette rotation est l'identité de $ P$, $ f$ est la réflexion de plan $ P$. Sinon, $ f$ est le produit commutatif d'une rotation d'axe $ D$ et de la réflexion de plan $ P$. La matrice de $ f$ dans toute base orthonormée de $ E$ dont le premier vecteur $ u$ appartient à $ D$ s'écrit dans tous les cas $ \begin{pmatrix}
-1&0&0\\
0&\cos \theta&-\sin \theta\\
0&\sin \theta & \cos \theta
\end{pmatrix}$ pour un réel $ \theta$, unique modulo $ 2\pi$ ($ f$ est une réflexion si $ \theta\equiv 0$ modulo $ 2\pi$, $ -id_{E}$ si $ \theta\equiv \pi$ modulo $ 2\pi$ ).

Démonstration : Soit $ A$ la matrice de $ f$ dans une base orthonormée directe de $ E$. De la relation

$\displaystyle \tr{A}(A+I)=\tr{A}A+\tr{A}=I+\tr{A}=\tr{(I+A)}$

on déduit

$\displaystyle -\mathrm{det}(A+I)=\mathrm{det}(\tr{A})\mathrm{det}(A+I)=\mathrm{det}(\tr{A}(A+I))=\mathrm{det}(I+A)$

d'où $ \mathrm{det}(A+I)=0$, ce qui montre que -1 est valeur propre de $ A$. Soit $ u$ un vecteur propre unitaire de $ f$ associé à la valeur propre -1. On vérifie que la matrice de $ f$ dans toute base orthonormée directe de $ E$ dont le premier vecteur est $ u$ s'écrit alors sous la forme indiquée dans l'énoncé. La proposition en résulte.$ \square$

On dit, si $ f$ n'est pas une réflexion, que $ f$ est une antirotation, ou encore une isométrie vectorielle gauche.


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