Géométrie sphérique

On peut faire de la géométrie à la surface d'une sphère comme on en fait dans le plan euclidien. Cette géométrie, appelée géométrie sphérique, a toujours joué un rôle fondamental en navigation et en astronomie. Elle fournit également un modèle de géométrie dans lequel le cinquième postulat d'Euclide sur l'existence des parallèles n'est pas vérifié (une telle géométrie est dite non-euclidienne).

En géométrie euclidienne classique, le chemin le plus court entre deux points est le segment joignant ces points. La droite s'obtient en prolongeant ce segment. On appelle, sur une surface $ S$, géodésique un chemin de longueur minimale parmi tous les chemins tracés sur cette surface reliant deux points donnés. Les géodésiques jouent donc sur une surface le rôle que tiennent les segments de droites dans le plan euclidien. La distance entre deux points de la surface est alors la longueur d'une géodésique reliant ces deux points.

Dans le cas où cette surface est une sphère, on montre que les géodésiques sont exactement les arcs de grands cercles tracés sur cette sphère (un grand cercle d'une sphère est l'intersection de cette sphère avec un plan passant par son centre) de longueur inférieure ou égale à $ \pi R$, où $ R$ est le rayon de la sphère. Les grands cercles jouent donc sur une sphère le rôle des droites dans le plan.

On voit immédiatement que, par deux points non diamétralement opposés d'une sphère, il passe un grand cercle et un seul, qui est l'intersection de la sphère avec le plan défini par les deux points et le centre de la sphère. Il n'existe donc pas sur la sphère de parallèles (au sens de la géométrie euclidienne plane classique : des droites qui ne se rencontrent pas). Cependant, par deux points diamétralement opposés de la sphère, il passe une infinité de grands cercles, ce qui montre que la géométrie sphérique ne satisfait pas non plus le premier axiome d'Euclide (par deux points, il passe une droite et une seule). On peut cependant construire, à partir de la sphère, un modèle de géométrie non-euclidienne satisfaisant ce premier axiome (mais pas celui des parallèles) en identifiant les points diamétralement opposés (nous ne développerons pas ici cette construction).

On peut étudier en géométrie sphérique la plupart des problèmes de la géométrie euclidienne plane classique, à commencer par ceux concernant les triangles. On appelle, sur une sphère, triangle sphérique la figure formée par trois points de la sphère (les sommets), les côtés étant les géodésiques joignant ces points. Les angles d'un triangle sphérique sont les angles formés par les tangentes à ses côtés en ses sommets. Les triangles sphériques ont cependant des propriétés bien différentes des triangles usuels de la géométrie plane.

En premier lieu, en géométrie euclidienne plane, la somme des angles d'un triangle est toujours égale à $ \pi$. En géométrie sphérique, cette somme peut varier : elle est toujours supérieure ou égale à $ \pi$, et la différence entre cette somme et $ \pi$ est l'aire du triangle (en supposant que la sphère est de rayon unité). L'aire d'un triangle sphérique est donc complètement déterminée par ses angles.

C'est la formule de Girard (Albert Girard, 1595-1632, mathématicien français ayant travaillé principalement aux Pays-Bas) :

Proposition 82   L'aire d'un triangle sphérique $ ABC$ d'angles $ \alpha$, $ \beta$, $ \gamma$ d'une sphère de rayon 1 est donnée par

$\displaystyle \mathrm{aire}(ABC)=\alpha+\beta+\gamma-\pi \; .$

En particulier, si le repère $ (O,\vv{OA},\vv{OB},\vv{OC})$ est orthonormal, les trois angles $ \alpha$, $ \beta$, $ \gamma$ du triangle sphérique $ ABC$ sont droits. Il en résulte que l'aire d'un triangle sphérique trirectangle est égale à $ \pi/2$, ce qui était immédiat, puisque la sphère est réunion de 8 triangles sphériques isométriques au précédent et que son aire totale est $ 4\pi$.

Pour démontrer cette formule, on commence par remarquer que l'aire d'un fuseau de la sphère unité d'angles $ \alpha$ est égale à $ 2\alpha\pi$ (un fuseau d'une sphère est une des portions de cette sphère délimitées par deux demi-grands cercles de mêmes extrémités) : en effet cette aire est proportionnelle à $ \alpha$ et pour $ \alpha=2\pi$, c'est l'aire totale de la sphère.

\includegraphics[width=6cm]{girard0} \includegraphics[width=6cm]{girard1}


\includegraphics[width=6cm]{girard2} \includegraphics[width=6cm]{girard3}

On construit alors à partir d'un triangle sphérique $ ABC$ trois fuseaux de sommets $ A,B,C$ (voir figures). Ces fuseaux recouvrent la réunion d'une demi-sphère et du triangle symétrique de $ ABC$ par rapport au centre de la sphère ; de plus le triangle $ ABC$ lui-même est recouvert deux fois, si bien qu'on obtient la formule $ 2\pi + 2 S= 2\alpha+2\beta+2\gamma$ (où $ S$ est l'aire du triangle sphérique $ ABC$), équivalente à la formule de Girard.


On peut également faire de la trigonométrie sur la sphère comme on en fait dans le plan. Donnons simplement une formule qui relie les longueurs des côtés d'un triangle sphérique aux mesures de ses angles (la longueur $ a$ du côté $ BC$ d'un triangle sphérique $ ABC$ de la sphère unité est la mesure de l'angle au centre $ \widehat{ BOC}$) :

Proposition 83   Formule fondamentale de la trigonométrie sphérique

Soit $ ABC$ un triangle sphérique de la sphère unité, $ a$, $ b$, $ c$ les longueurs de ses côtés, $ \alpha$, $ \beta$, $ \gamma$ les mesures de ses angles. Alors :

$\displaystyle \cos{c}=\cos{a} \cos{b}+\sin{a}\sin{b}\cos{\gamma}$

Il résulte en particulier de cette égalité que $ \cos{c}$ est toujours compris entre $ \cos(a+b)$ et $ \cos(a-b)$. On peut en déduire les inégalités

$\displaystyle a+b+c \leq 2\pi, \qquad a\leq b+c, \qquad b\leq c+a, \qquad c\leq a+b \; .$


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