Isométries, similitudes

Généralités

Définition 26   Soient $ E$ et $ F$ deux espaces affines euclidiens. On appelle isométrie de $ E$ dans $ F$ toute application $ f$ de $ E$ dans $ F$ qui conserve la distance, i.e. qui vérifie $ f(A)f(B)=AB$ pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$.

Une isométrie est clairement injective, puisque $ f(A)=f(B)$ implique $ AB=f(A)f(B)=0$ et donc $ A=B$. Elle est bijective si $ E$ et $ F$ ont même dimension, en particulier si $ E=F$, ce qui sera presque toujours ici le cas, mais cela ne se voit pas immédiatement sur la définition. Cela résultera en fait de la proposition fondamentale suivante :

Proposition 54   Toute isométrie est une application affine.

Démonstration : Soit $ O$ un point de $ E$ et $ \vec f_O$ l'application de $ \overrightarrow{E}$ dans $ \overrightarrow{F}$ définie par $ \vec f_O(\u)=\vv{f(O)f(A)}$ pour tout vecteur $ \vec u$ de $ \overrightarrow{E}$, où $ A=O+\u$ est l'unique point de $ E$ tel que $ \u=\vv{OA}$. Si $ \vec u$ et $ \vec v$ sont deux vecteurs de $ \overrightarrow{E}$ et $ A$ et $ B$ les points de $ E$ tels que $ \u=\vv{OA}$, $ \v=\vv{OB}$, on a :

$\displaystyle \vec f_O(\u)\cdot \vec f_O(\v)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \vv{f(O)f(A)}\cdot \vv{f(O)f(B)}$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \dfrac{1}{2}\left(f(O)f(A)^2+f(O)f(B)^2-f(A)f(B)^2\right)$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \dfrac{1}{2}\left(OA^2+OB^2-AB^2\right)$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \vv{OA}\cdot\vv{OB}$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \u\cdot \v \, ,$  

ce qui montre que $ \vec f_O$ conserve le produit scalaire et est donc linéaire d'après la proposition 15. Il en résulte que $ f$ est affine, de partie linéaire $ \vec f_O$ (qui ne dépend pas de $ O$).$ \square$

Nous nous intéresserons essentiellement ici aux isométries d'un espace affine euclidien $ E$ dans lui-même.

Proposition 55   Soient $ E$ un espace affine euclidien et $ f$ une transformation affine de $ E$. Alors $ f$ est une isométrie si et seulement si sa partie linéaire $ \vec f$ est une transformation orthogonale.

Démonstration : L'égalité $ \vv{f(A)f(B)}=\f (\vv{AB})$ montre que $ f(A)f(B)=AB$ pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$ si et seulement si $ \Vert \f (\vv{AB}) \Vert = \Vert\vv{AB} \Vert$ pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$, ou encore si et seulement si $ \Vert\f(\v)\Vert=\Vert\v\Vert$ pour tout vecteur $ \vec v$ de $ \overrightarrow{E}$.$ \square$

Proposition 56   L'ensemble des isométries d'un espace affine euclidien $ E$ est un sous-groupe du groupe $ GA(E)$ des transformations affines de $ E$. Ce groupe est noté $ Is(E)$ et appelé groupe des isométries de $ E$.

Démonstration : Cet ensemble est l'image réciproque du groupe orthogonal $ O(E)$ de $ \overrightarrow{E}$ par l'homomorphisme de groupes de $ GA(E)$ dans $ GL(E)$ qui à toute transformation affine $ f$ de $ E$ associe sa partie linéaire $ \vec f$.$ \square$

Définition 27   Une isométrie $ f$ d'un espace affine euclidien $ E$ est dite directe ou positive si sa partie linéaire $ \vec f$ est une transformation orthogonale positive de $ \overrightarrow{E}$ : $ \f \in O^+(\E)$. On dit aussi que $ f$ est un déplacement.

Une isométrie $ f$ de $ E$ est dite indirecte ou négative si sa partie linéaire $ \vec f$ est une transformation orthogonale négative de $ \overrightarrow{E}$ : $ \f\in O^-(\E)$. On dit aussi que $ f$ est un antidéplacement.

Les déplacements constituent un sous-groupe $ Is^+(E)$ du groupe des isométries de $ E$. On note $ Is^-(E)$ l'ensemble des antidéplacements de $ E$ ($ Is^-(E)$ n'est pas un groupe : le composé de deux antidéplacements est un déplacement).

Décomposition en produit de réflexions

On rappelle que l'ensemble, noté $ \Fix(f)$, des points fixes d'une transformation affine $ f$ d'un espace affine $ E$ est soit vide, soit un sous-espace affine de $ E$.

Lemme 4   Toute symétrie orthogonale est une isométrie. En particulier, toute réflexion est un antidéplacement.

Démonstration : La première assertion résulte de la proposition 16 . Pour démontrer la seconde, il suffit de remarquer que la matrice de la partie linéaire de la réflexion d'hyperplan $ H$ dans une base orthonormée dont le premier vecteur est orthogonal à $ H$ est diagonale, de diagonale $ (-1,1,\dots,1)$. $ \square$

Lemme 5   Soit $ f$ une isométrie de $ E$ différente de l'identité. Alors il existe une réflexion $ s$ telle que $ \dim(\Fix(s\circ f))>\dim(\Fix(f))$.

(Si $ f$ n'a pas de point fixe, il faut comprendre que $ s\circ f$ a au moins un point fixe.)

Démonstration : Soit $ A$ un point de $ E$ tel que $ f(A)\not=A$ et $ s$ la réflexion par rapport à l'hyperplan médiateur $ H$ de $ Af(A)$. Tout point fixe $ M$ de $ f$ appartient à $ H$, puisque $ Mf(A)=f(M)f(A)=MA$, et est donc fixe par $ s\circ f$. Comme $ A$ n'appartient pas à $ H$ et est fixe par $ s\circ f$, $ \Fix(s\circ f)$ est un sous-espace affine de $ E$ contenant strictement $ \Fix(f)$.$ \square$

On en déduit par récurrence sur la dimension du sous-espace des points fixes, que les réflexions engendrent le groupe des isométries. Plus précisément :

Théorème 3   Toute isométrie $ f$ d'un espace affine euclidien $ E$ de dimension $ n$ peut se décomposer en produit de $ k$ réflexions, avec $ k\leq n-p$, où $ p$ est la dimension du sous-espace des points fixes de $ f$ ($ p=-1$ si $ f$ n'a pas de point fixe).

Démonstration : Supposons $ E$ fixé et démontrons le théorème par récurrence descendante sur $ p$. Si $ p=n$, $ \Fix(f)=E$ et $ f=id$. Soit $ -1 \leq p \leq n-1$ un entier et $ f$ une isométrie telle que $ \dim(\Fix(f))=p$. Alors il existe une réflexion $ s$ telle que $ \dim(\Fix(s\circ f))>\dim(\Fix(f))$. Si la propriété est vraie pour tout entier $ q$ vérifiant $ p < q \leq n$, $ g=s\circ f$ peut s'écrire comme produit de $ k$ réflexions, avec $ k \leq n-p-1$ ; $ f=s\circ g$ s'écrit donc comme produit de $ k+1$ réflexions et $ k+1 \leq n-p$.$ \square$

Cette décomposition n'est pas unique, mais la parité du nombre $ k$ de réflexions y intervenant l'est, puisque le déterminant de $ \vec f$ est $ (-1)^k$.

Classification des isométries planes

On suppose ici que $ E$ est un plan affine euclidien et on se propose de préciser la nature géométrique des isométries.

Déplacements

Le cas des déplacements est simple : si $ f$ est un déplacement du plan, sa partie linéaire $ \vec f$ est soit l'identité, auquel cas $ f$ est une translation, soit une rotation vectorielle d'angle non nul $ \theta$. Dans ce cas, $ f$ possède un point fixe $ O$ et un seul, puisque +1 n'est pas valeur propre de $ \vec f$. On dit que $ f$ est la rotation de centre $ O$ et d'angle $ \theta$. L'image $ M'=f(M)$ d'un point $ M$ est caractérisée par les relations $ OM'=OM$, $ (\vv{OM},\vv{OM'})=\theta$ (modulo $ 2\pi$). On a donc démontré :

Proposition 57   Tout déplacement du plan est une translation ou une rotation.

On en déduit que :

Ces produits ne sont en général pas commutatifs.

Antidéplacements

Lemme 6   Le produit de deux réflexions d'axes parallèles est une translation de vecteur orthogonal aux axes de ces réflexions. Réciproquement, toute translation peut se décomposer en produit de deux réflexions, l'axe de l'une pouvant être choisi arbitrairement parmi toutes les droites orthogonales au vecteur de la translation et l'axe de la seconde étant alors uniquement déterminé.

\includegraphics[width=6cm]{symetries}

Démonstration : Deux réflexions d'axes parallèles ont même partie linéaire, qui est une réflexion vectorielle. Leur produit est donc une transformation affine de partie linéaire l'identité, i.e. une translation. Pour trouver le vecteur de cette translation, il suffit de connaître l'image d'un point. Soit donc $ s$ et $ s'$ deux réflexions d'axes parallèles $ D$ et $ D'$, $ \Delta$ une droite perpendiculaire à $ D$ et $ D'$ les coupant respectivement en $ A$ et $ A'$. Le point $ A''=s_{D'}\circ s_D (A)=s_{D'}(A)$ est le symétrique de $ A$ par rapport à $ A'$ et vérifie donc $ \vv{AA''}=2 \, \vv{AA'}$. Il en résulte que $ s_{D'}\circ s_D$ est la translation de vecteur $ 2\, \vv{AA'}$. La réciproque est immédiate (on peut choisir l'un des deux points $ A$ et $ A'$ arbitrairement, l'autre est alors uniquement déterminé).$ \square$

La partie linéaire $ \vec f$ d'un antidéplacement $ f$ est une réflexion vectorielle. Soit $ \vv{D}$ son axe.

Si $ f$ admet un point fixe $ A$, $ f$ est la réflexion vectorielle d'axe la droite $ D$ de direction $ \vv{D}$ passant par $ A$.

Sinon, il existe un vecteur $ \vec u$ tel que $ t_{-\u}\circ f$ admette un point fixe et soit donc une réflexion $ s_D$ d'axe $ D$. On décompose le vecteur $ \vec u$ sous la forme $ \u=\v+\w$, où $ \v\in\vv{D}$ et $ w$ est orthogonal à $ \vv{D}$. On a alors $ f=t_{\u}\circ s_D=t_{\v}\circ t_{\w}\circ s_D$. On peut alors (lemme 6) décomposer $ t_{\w}$ sous la forme $ t_{\w}=s_{D'}\circ s_D$, où $ D'$ est une droite parallèle à $ D$. Il en résulte $ f=t_{\v}\circ s_{D'}$ $ \v\in \vv{D'}$.

Définition 28   Soit $ D$ une droite et $ \vec v$ un vecteur non nul appartenant à la direction de $ D$. On appelle symétrie glissée d'axe $ D$ et de vecteur $ \vec v$ le produit de la réflexion d'axe $ D$ et de la translation de vecteur $ \vec v$.

Ce produit est commutatif : $ s_D\circ t_{\v}=t_{\v}\circ s_D$. Une symétrie glissée n'admet pas de point fixe. L'axe et le vecteur d'une symétrie glissée $ f$ sont entièrement déterminés : en effet l'axe peut être caractérisé comme :

On a donc démontré :

Proposition 58   Tout antidéplacement du plan est une réflexion ou une symétrie glissée.

\includegraphics[width=6cm]{symetrieglissee}


Invariants dépl/antidépl nature géométrique
plan déplacement identité
droite antidéplacement réflexion
point déplacement rotation
$ \emptyset$ déplacement translation
$ \emptyset$ antidéplacement symétrie glissée
Classification des isométries planes

Classification des isométries de l'espace

Déplacements

Soit $ f$ un déplacement de l'espace affine euclidien $ E$ de dimension 3. Sa partie linéaire $ \vec f$ est soit l'identité, soit une rotation vectorielle. Si $ \vec f$ est l'identité, $ f$ est une translation. Si $ \vec f$ est une rotation vectorielle d'axe $ \vv{D}$ et d'angle $ \theta$, deux cas se présentent :

- soit $ f$ a un point fixe $ A$ : dans ce cas $ f$ est une rotation d'axe $ D$ et d'angle $ \theta$, où $ D$ est la droite affine de direction $ \vv{D}$ passant par $ A$ ($ f$ laisse globalement invariant tout plan $ P$ orthogonal à $ D$ et sa restriction à un tel plan est une rotation de centre le point d'intersection de $ P$ et de $ D$ et d'angle $ \theta$) ;

- soit $ f$ n'a pas de point fixe ; il existe alors un vecteur $ \vec u$ tel que $ t_{-\u}\circ f$ admette un point fixe et soit donc une rotation $ r$ d'axe $ D$ ; on décompose le vecteur $ \vec u$ sous la forme $ \u=\v+\w$, où $ \v\in\vv{D}$ et $ w$ est orthogonal à $ \vv{D}$ ; on a alors $ f=t_{\u}\circ r=t_{\v}\circ t_{\w}\circ r$ ; mais $ t_{\w}\circ r$ laisse globalement invariant tout plan orthogonal à $ D$ et sa restriction à un tel plan est une rotation plane d'angle $ \theta$ (composée d'une translation et d'une rotation plane) ; soit $ D'$ la droite parallèle à $ D$ passant par le centre d'une de ces rotations ; $ t_{\w}\circ r$ est alors la rotation de $ E$ d'axe $ D'$ et d'angle $ \theta$ ; il en résulte que $ f$ est produit d'une rotation et d'une translation de vecteur un vecteur directeur de l'axe de la rotation ; ce produit est commutatif.

Définition 29   Soit $ D$ une droite orientée, $ \theta$ un réel $ \not \equiv 0 \pmod{2\pi}$ et $ \vec v$ un vecteur non nul appartenant à la direction de $ D$. On appelle vissage d'axe $ D$, d'angle $ \theta$ et de vecteur $ \vec v$ le produit commutatif de la rotation d'axe $ D$ et d'angle $ \theta$ et de la translation de vecteur $ \vec v$.

On vérifie que cette décomposition est unique. L'axe $ D$ peut être caractérisé comme :

Définition 30   On appelle demi-tour ou retournement toute rotation de l'espace d'angle plat.

Un demi-tour est donc simplement une symétrie orthogonale par rapport à une droite. Les retournements sont les seuls déplacements involutifs. Leur importance vient en particulier du fait qu'ils engendrent le groupe des déplacements, comme le montre la proposition suivante.

Proposition 59   1) Le produit de deux retournements $ s$ et $ s'$ d'axes distincts $ D$ et $ D'$ est : 2) Réciproquement, tout déplacement de l'espace peut s'écrire comme produit de deux retournements.

Figure 1: Vissage et antirotation
\includegraphics[height=7cm]{vissage2} \includegraphics[height=7cm]{antirotation2}

Antidéplacements

La partie linéaire $ \vec f$ d'un antidéplacement $ f$ est soit une réflexion vectorielle, soit une antirotation vectorielle (isométrie vectorielle gauche). Si $ \vec f$ est une réflexion vectorielle, on montre comme dans le cas des antidéplacements du plan que $ f$ est soit une réflexion, soit une symétrie glissée (produit commutatif d'une réflexion et d'une translation de vecteur appartenant à la direction du plan de la réflexion). Si $ \vec f$ est une antirotation, 1 n'est pas valeur propre de $ \vec f$ ; il en résulte que $ f$ admet un point fixe et un seul ; $ f$ est donc encore une antirotation (produit commutatif d'une rotation et d'une réflexion de plan orthogonal à l'axe de la rotation).


Invariants dépl/antidépl nature géométrique
espace déplacement identité
plan antidéplacement réflexion
droite déplacement rotation
point antidéplacement antirotation
$ \emptyset$ déplacement vissage ou translation
$ \emptyset$ antidéplacement symétrie glissée
Classification des isométries de l'espace

Groupe d'isométries conservant une figure

Proposition 60   Soit $ E$ un espace affine euclidien et $ A$ une partie non vide de $ E$. L'ensemble $ G$ des isométries $ f$ de $ E$ qui conservent $ A$ (i.e. qui vérifient $ f(A)=A$) est un sous-groupe du groupe $ Is(E)$ des isométries de $ E$. L'ensemble $ G^+$ des déplacements de $ E$ qui conservent $ A$ est un sous-groupe de $ G$. L'ensemble $ G^-$ des antidéplacements de $ E$ qui conservent $ A$ est, soit vide, soit en bijection avec $ G^+$. En particulier, si $ G^+$ est fini et $ G^-$ non vide, $ G^+$ et $ G^-$ ont le même nombre d'éléments.

Démonstration : L'ensemble $ G$ contient l'identité, est stable par composition et par passage à l'inverse ; c'est donc un sous-groupe du groupe $ Is(E)$. L'ensemble $ G^+$ est l'intersection des sous-groupes $ G$ et $ Is^+(E)$ de $ Is(E)$ ; c'est donc un sous-groupe de $ G$. Si $ G^-$ n'est pas vide, pour tout $ s\in G^-$, l'application $ f\longmapsto s\circ f$ est une bijection de $ G^+$ sur $ G^-$ de bijection réciproque $ f\longmapsto s^{-1}\circ f$.$ \square$

Remarque : L'ensemble des isométries $ f$ de $ E$ qui vérifient $ f(A)\subset A$ est stable par composition, mais n'est pas nécessairement un sous-groupe de $ Is(E)$ (si $ A$ est une demi-droite de vecteur directeur $ \vec u$, la translation de vecteur $ \vec u$ conserve $ A$, mais pas celle de vecteur $ -u$). C'est toutefois le cas si $ A$ est fini, puisque dans ce cas $ f(A)=A$ pour toute isométrie $ f$ vérifiant $ f(A)\subset A$, ou si $ A$ est un sous-espace affine, puisque dans ce cas $ f(A)$ est un sous-espace affine inclus dans $ A$ et de même dimension que $ A$, donc égal à $ A$.

Proposition 61   Soit $ E$ un espace affine euclidien et $ A$ une partie finie non vide de $ E$. Toute isométrie de $ E$ qui conserve $ A$ laisse fixe l'isobarycentre de $ A$. Il en résulte que le groupe $ G$ de ces isométries est isomorphe à un sous-groupe du groupe orthogonal $ O(E)$ de $ \overrightarrow{E}$.

Démonstration : Une isométrie est une application affine et toute application affine conserve les barycentres. Il en résulte que l'isobarycentre $ O$ de $ A$ est fixe par toute isométrie conservant $ A$. L'application $ f \mapsto \f$ est un isomorphisme du groupe des isométries de $ E$ laissant $ O$ fixe sur le groupe orthogonal de $ \overrightarrow{E}$ ; $ G$ est donc isomorphe à son image par cet homomorphisme, qui est un sous-groupe de $ O(E)$.$ \square$

Exemple : le groupe diédral $ D_n$

C'est le groupe des isométries planes conservant un polygone régulier convexe $ A_0A_1\dots A_{n-1}$ à $ n$ côtés. Son sous-groupe des déplacements $ D_n^+$ est le groupe cyclique d'ordre $ n$ constitué des $ n$ rotations de centre le centre $ O$ du polygone et d'angle $ 2k\pi/n$ ( $ k=0,\dots ,n-1$). Les éléments de $ D_n^-$ sont les $ n$ réflexions d'axes les droites $ OA_k$ ( $ k=0,\dots ,n-1$) et les médiatrices des côtés du polygone (ces deux familles étant confondues si $ n$ est impair et ayant chacune $ n/2$ éléments si $ n$ est pair).

Remarque : Une isométrie qui conserve globalement l'ensemble des sommets d'un polygone régulier conserve ce polygone (et réciproquement). Il ne faut pas croire que cette propriété s'étend à tout polygone, comme en témoigne la figure ci-dessous : les rotations de centre $ O$ et d'angle $ \pm 2\pi/3$ conservent les sommets du polygone $ OABC$ mais pas ce polygone.

\includegraphics[width=0.4\textwidth]{polygone}

Similitudes

Définition 31   On appelle similitude d'un espace affine euclidien $ E$ toute application $ f$ de $ E$ dans $ E$ telle qu'il existe un réel $ k>0$ tel qu'on ait $ f(A)f(B)=kAB$ pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$. Le nombre $ k$ est appelé rapport de la similitude.

Une application $ f$ de $ E$ dans $ E$ est donc une similitude si et seulement si elle conserve les rapports de distances.

Une similitude de rapport 1 est une isométrie. Une homothétie de rapport $ \lambda$ est une similitude de rapport $ \vert\lambda\vert$.

Proposition 62   Toute similitude est une transformation affine. L'ensemble des similitudes d'un espace affine euclidien $ E$ constitue un sous-groupe du groupe $ GA(E)$ des transformations affines de $ E$. Les homothéties et les isométries engendrent ce sous-groupe : plus précisément, si $ f$ est une similitude de rapport $ k$ et $ h$ une homothétie de rapport $ k$ (et de centre quelconque), $ f\circ h^{-1}$ est une isométrie.

Démonstration : Soit $ f$ une similitude de rapport $ k>0$ et $ h$ une homothétie de rapport $ k$ (et de centre quelconque). Alors $ h$ est une transformation affine de $ E$ d'inverse l'homothétie $ h^{-1}$ de même centre et de rapport $ 1/k$ et $ g=f\circ h^{-1}$ est une isométrie, puisque

$\displaystyle g(A)g(B)=k \, h^{-1}(A)h^{-1}(B)= k \,\dfrac{1}{k} AB = AB$

pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$. Il en résulte que $ g$ est une transformation affine de $ E$, ainsi que $ f=g \circ h$. Toute similitude de rapport $ k$ s'écrit donc comme produit d'une isométrie et d'une homothétie de rapport $ k$. Il découle immédiatement de la définition que le composé de deux similitudes de rapports $ k$ et $ k'$ est une similitude de rapport $ kk'$ et que l'inverse d'une similitude de rapport $ k$ est une similitude de rapport $ 1/k$.$ \square$

Définition 32   Une similitude $ f$ est dite directe si $ \mathrm{det}\f >0$, indirecte si $ \mathrm{det}\f<0$.

Deux figures sont dites semblables (resp. directement semblables) s'il existe une similitude (resp. une similitude directe) transformant la première en la seconde.

Proposition 63   Toute similitude qui n'est pas une isométrie admet un point fixe et un seul.

Démonstration : Soit $ f$ une similitude de rapport $ k$ différent de 1. Il suffit de montrer que 1 n'est pas valeur propre de $ \vec f$ (voir le chapitre «Géométrie affine »). Mais si $ \vec v$ est un vecteur de $ \overrightarrow{E}$, l'égalité $ \f(\v)=\v$ implique $ \Vert \f(\v) \Vert=k \, \Vert\v\Vert=\Vert \v \Vert$, d'où $ \Vert \v\Vert=0$ et $ v=0$.$ \square$

Similitudes planes

Proposition 64   Toute similitude directe d'un plan affine euclidien qui n'est pas une isométrie est le produit commutatif d'une homothétie de rapport positif et d'une rotation de même centre. Cette décomposition est unique.

Une similitude directe qui n'est pas une isométrie est donc caractérisée par son centre (son seul point fixe), son rapport et son angle (l'angle de la rotation de la décomposition précédente).

Démonstration : Soit $ f$ une similitude plane directe de rapport $ k>0$ différent de 1. D'après la proposition 63, $ f$ admet un point fixe $ O$ et un seul. Soit $ h$ l'homothétie de centre $ O$ et de rapport $ k$. La transformation affine $ g=f\circ h^{-1}$ est une isométrie directe laissant fixe le point $ O$, i.e. une rotation de centre $ O$, et on a $ f=g \circ h$. Comme une homothétie de centre $ O$ commute avec toute transformation affine laissant $ O$ fixe, on a $ f=g\circ h=h \circ g$.

Si $ f=g'\circ h'$ est une décomposition de $ f$ en produit (nécessairement commutatif) d'une homothétie de rapport $ k'>0$ et d'une rotation de même centre $ O'$, on a $ k=k'$ et $ O=O'$, puisque $ O$ est le seul point fixe de $ f$, d'où $ h=h'$ et $ g=g'$, ce qui établit l'unicité de la décomposition.$ \square$

Proposition 65   Toute similitude indirecte d'un plan affine euclidien qui n'est pas une isométrie est le produit commutatif d'une homothétie de rapport positif et d'une réflexion dont l'axe passe par le centre de l'homothétie. Cette décomposition est unique.

Une similitude indirecte qui n'est pas une isométrie est donc caractérisée par son centre (l'unique point fixe), son rapport et son axe (l'axe de la réflexion de la décomposition précédente), qui est une droite passant par le centre.

Démonstration : Soit $ f$ une similitude plane indirecte de rapport $ k>0$ différent de 1. D'après la proposition 63, $ f$ admet un point fixe $ O$ et un seul. Soit $ h$ l'homothétie de centre $ O$ et de rapport $ k$. La transformation affine $ g=f\circ h^{-1}$ est une isométrie indirecte laissant fixe le point $ O$, i.e. une réflexion d'axe passant par $ O$, et on a $ f=g \circ h$. Comme une homothétie de centre $ O$ commute avec toute transformation affine laissant $ O$ fixe, on a $ f=g\circ h=h \circ g$.

Si $ f=g'\circ h'$ est une décomposition de $ f$ en produit (nécessairement commutatif) d'une homothétie de centre $ O'$ et de rapport $ k'>0$ et d'une réflexion d'axe passant par $ O'$, on a $ k=k'$ et $ O=O'$, puisque $ O$ est le seul point fixe de $ f$, d'où $ h=h'$ et $ g=g'$, ce qui établit l'unicité de la décomposition.$ \square$

Similitudes planes et nombres complexes

Le corps $ \mathbb{C}$ des nombres complexes est un espace vectoriel de dimension 2 sur $ \mathbb{R}$. Il est donc muni d'une structure naturelle de plan affine. La base canonique $ (1,i)$ de $ \mathbb{C}$ et l'origine 0 constituent un repère cartésien naturel pour ce plan. On appellera ce plan plan complexe. Réciproquement, le choix d'un repère cartésien $ (O,\vi,\vj)$ permet d'identifier tout plan affine $ E$ à $ \mathbb{R}^2$, ou encore à $ \mathbb{C}$ : au point $ M$ de coordonnées $ (x,y)$ on associe le nombre complexe $ z=x+iy$, qu'on appelle affixe de $ M$. On peut également définir l'affixe d'un vecteur : l'application qui au vecteur $ \vec u=x\vi+y\vj$ de $ \overrightarrow{E}$ associe le nombre complexe $ x+iy$ est un isomorphisme d'espaces vectoriels, qui permet d'identifier $ \overrightarrow{E}$ à $ \mathbb{C}$. Cela permet de ramener certains problèmes géométriques à des problèmes d'algèbre.

Mais l'intérêt du plan complexe en géométrie vient surtout de ce qu'il possède aussi une structure euclidienne naturelle. En effet l'application $ z\mapsto \vert z\vert=\sqrt{z\bar z}$ est une norme euclidienne sur $ \mathbb{C}$ déduite du produit scalaire

$\displaystyle \la z_1,z_2 \ra= \mathrm{Re} (z_1 \bar z_2)= \mathrm{Re}( z_2 \bar z_1) =\dfrac{z_1\bar z_2 +z_2 \bar z_1}{2}$

et la base canonique $ (1,i)$ de $ \mathbb{C}$ est orthonormée pour cette structure euclidienne.

La distance de deux points $ A$ et $ B$, d'affixes respectives $ a$ et $ b$, est alors $ d(A,B)=\vert b-a\vert$. L'angle $ (\u_1,\u_2)$ de deux vecteurs non nuls d'affixes respectives $ z_1$ et $ z_2$ est $ \Arg\left(\dfrac{z_2}{z_1}\right)$. En particulier, ces deux vecteurs sont colinéaires si et seulement si $ \dfrac{z_2}{z_1}$ est réel, et orthogonaux si et seulement si $ \dfrac{z_2}{z_1}$ est imaginaire pur.

Proposition 66   Pour tout couple $ (a,b)\in \mathbb{C}^*\times \mathbb{C}$, l'application $ f_{a,b}$ de $ \mathbb{C}$ dans $ \mathbb{C}$ définie par $ f_{a,b}(z)=az+b$ est une similitude directe de rapport $ \vert a\vert$. Réciproquement, pour toute similitude directe $ f$ du plan complexe, il existe un couple $ (a,b)\in \mathbb{C}^*\times \mathbb{C}$ et un seul tel que $ f=f_{a,b}$.

Proposition 67   Pour tout couple $ (a,b)\in \mathbb{C}^*\times \mathbb{C}$, l'application $ g_{a,b}$ de $ \mathbb{C}$ dans $ \mathbb{C}$ définie par $ g_{a,b}(z)=a\bar z+b$ est une similitude indirecte de rapport $ \vert a\vert$. Réciproquement, pour toute similitude indirecte $ g$ du plan complexe, il existe un couple $ (a,b)\in \mathbb{C}^*\times \mathbb{C}$ et un seul tel que $ g=g_{a,b}$.


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