Le groupe affine

Définition 21   Soit $ E$ un espace affine. On appelle transformation affine de $ E$ toute application affine bijective de $ E$ dans lui-même. Les transformations affines de $ E$ constituent un sous-groupe (pour la composition) du groupe des permutations de $ E$. Le groupe des transformations affines de $ E$ est appelé groupe affine de $ E$, et noté $ GA(E)$.

Proposition 27   L'application $ f \longmapsto \vec{f}$ est un homomorphisme surjectif du groupe affine $ GA(E)$ dans le groupe linéaire $ GL(\overrightarrow{E})$ (groupe des applications linéaires bijectives de $ \overrightarrow{E}$ dans lui-même). Son noyau est le sous-groupe des translations de $ E$.

Il en résulte que le groupe des translations de $ E$ est un sous-groupe distingué de $ GA(E)$.

Démonstration : La première assertion résulte de la relation $ \overrightarrow{g\circ f  }=\vec{g}\circ \vec{f}$ pour tout couple d'éléments de $ GA(E)$ et du fait que pour tout $ \vec{f}\in GL(\overrightarrow{E})$ et tout couple $ (O,O')$ de points de $ E$, il existe une transformation affine $ f\in GA(E)$ et une seule de partie linéaire $ \vec{f}$ vérifiant $ f(O)=O'$. La seconde vient de ce qu'un élément $ f$ de $ GA(E)$ est une translation si et seulement si sa partie linéaire $ \vec{f}$ est l'identité de $ \overrightarrow{E}$. En effet la relation $ \overrightarrow{f(A)f(B)}=\overrightarrow{AB}$ équivaut à la relation $ \overrightarrow{Af(A)}=\overrightarrow{Bf(B)}$ (le quadrilatère $ ABf(B)f(A)$ est alors un parallélogramme). Elle est donc vraie pour tout couple $ (A,B)$ de points de $ E$ si et seulement si le vecteur $ \overrightarrow{Af(A)}$ ne dépend pas du point $ A$. $ \square$

Stabilisateur d'un point

Le groupe affine $ GA(E)$ de $ E$ opère sur $ E$ par l'application $ (f,M)\longmapsto f(M)$. Rappelons qu'on appelle alors stabilisateur d'un point $ O$ de $ E$ le sous-groupe $ \Stab (O)$ de $ GA(E)$ constitué des transformations affines $ f$ laissant fixe le point $ O$ :

$\displaystyle \Stab (O)=\{f\in GA(E)\mid f(O)=O\}  .$

Proposition 28   Pour tout point $ O$ de $ E$, la restriction de l'application $ f \longmapsto \vec{f}$ à $ \Stab (O)$ est un isomorphisme de $ \Stab (O)$ sur le groupe linéaire $ GL(\overrightarrow{E})$.

Démonstration : L'application $ f \longmapsto \vec{f}$ est un morphisme de groupes de $ GA(E)$ sur $ GL(\overrightarrow{E})$ de noyau le groupe des translations de $ E$ (proposition 27). Sa restriction à $ \Stab (O)$ est injective car une translation ayant un point fixe est l'identité et elle est surjective (pour tout $ \vec{f}$ in $ GL(E)$, l'application $ f$ de $ E$ dans $ E$ définie par $ \overrightarrow{Of(M)}=\vec{f}(\overrightarrow{OM})$ est l'unique élément de $ \Stab (O)$ de partie linéaire $ \vec{f}$).$ \square$

Points fixes d'une transformation affine

Proposition 29   L'ensemble $ \Fix (f)$ des points fixes d'une transformation affine $ f$ de $ E$ est, soit vide, soit un sous-espace affine de direction $ \ker (\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})$ (c'est-à-dire le sous-espace propre de $ \vec{f}$ associé à la valeur propre 1).

Démonstration : Soit $ O$ une origine dans $ E$. Un point $ A$ est fixe par $ f$ si et seulement si $ \overrightarrow{f(O)f(A)}=\overrightarrow{f(O)A}$, i.e. si et seulement si $ \vec{f}(\overrightarrow{OA})=\overrightarrow{f(O)O}+\overrightarrow{OA}$, soit encore $ (\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})(\overrightarrow{OA})=\overrightarrow{f(O)O}$. Si le vecteur $ \overrightarrow{f(O)O}$ n'appartient pas à l'image de $ \vec{f}-id_{\overrightarrow{E}}$, $ f$ n'admet pas de point fixe. Si $ \overrightarrow{f(O)O}$ appartient à l'image de $ \vec{f}-id_{\overrightarrow{E}}$, il existe un point $ A$ fixe par $ f$. Un point $ M$ de $ E$ est alors fixe par $ f$ si et seulement si $ \overrightarrow{Af(M)}=\overrightarrow{AM}$, i.e. $ \overrightarrow{f(A)f(M)}=\vec{f}(\overrightarrow{AM})=\overrightarrow{AM}$. L'ensemble des points fixes de $ f$ est alors le sous-espace affine de $ E$ passant par $ A$ de direction $ \ker (\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})$.$ \square$

En particulier :

Proposition 30   Soit $ f$ une transformation affine d'un espace affine $ E$. Les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
(i)
$ f$ admet un point fixe et un seul ;
(ii)
1 n'est pas valeur propre de $ \vec{f}$.

Démonstration : L'implication $ (i)\Rightarrow (ii)$ résulte immédiatement de la proposition 29. Montrons que si 1 n'est pas valeur propre de $ \vec{f}$, i.e. si $ \vec{f}-id_{\overrightarrow{E}}$ est injective, alors $ f$ admet un point fixe et un seul. L'application linéaire $ \vec{f}-id_{\overrightarrow{E}}$ étant injective et $ E$ de dimension finie, elle est bijective et il résulte de la démonstration de la proposition 29 que $ f$ admet un point fixe et un seul. $ \square$

Toute transformation affine est composée d'une transformation affine ayant un point fixe et d'une translation. Plus précisément, si $ f$ est une transformation affine de $ E$ et $ O$ un point quelconque de $ E$, $ g=t_{\overrightarrow{f(O)O}}\circ f$ laisse $ O$ fixe et l'on a $ f=t_{\overrightarrow{Of(O)}}\circ g$. La proposition suivante étudie le cas où il existe une telle décomposition commutative.

Proposition 31   Soit $ f$ une transformation affine d'un espace affine $ E$ telle que le noyau et l'image de $ \vec{f}-id_{\overrightarrow{E}}$ soient des sous-espaces vectoriels supplémentaires de $ \overrightarrow{E}$. Alors il existe une transformation affine $ g$ de $ E$ admettant un point fixe et une translation $ t$ de $ E$ telles que $ f=t\circ g=g \circ t$.

Démonstration : Soit $ O$ une origine dans $ E$. Le vecteur $ \overrightarrow{Of(O)}$ se décompose en somme d'un vecteur $ \u\in \mathrm{Ker}(\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})$ et d'un vecteur $ \v\in\mathrm{Im}(\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})$. Soit $ A$ un point de $ E$ tel que $ (\vec{f}-id_{\overrightarrow{E}})(\overrightarrow{OA})=-\v$, i.e. $ \vec{f}(\overrightarrow{OA})=\overrightarrow{OA}-\v$, $ t$ la translation de vecteur $ \u$ et $ g= t^{-1}\circ f$. L'égalité :

$\displaystyle g(A)=f(A)-\u
=f(O)+\vec{f}(\overrightarrow{OA})-\u
=O+\overrightarrow{Of(O)}+\vec{f}(\overrightarrow{OA})-\u
=O+\u+\v+\overrightarrow{OA}-\v-\u=A$

montre que $ A$ est fixe par $ g$. Par ailleurs, $ f=t\circ g$ et la relation

$\displaystyle f(M+\u)=f(M)+\vec{f}(\u)=f(M)+\u$    pour tout point $M$ de $E$

montre que $ f$, et donc $ g$, commute avec $ t$.$ \square$


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