Barycentres

La notion de barycentre est essentielle en géométrie affine. Elle joue un rôle identique à celui que tient la notion de combinaison linéaire en algèbre linéaire.

Définition 4   Un système de points pondérés d'un espace affine $ E$ est une famille finie $ (A_i,\lambda_i)_{i=1,\dots,n}$ de couples $ (A_i,\lambda_i)$, où, pour tout $ i$, $ A_i$ est un élément de $ E$ et $ \lambda_i$ un réel. Le poids total du système est le réel $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i$.

À tout système de points pondérés de $ E$, on associe une fonction $ \vec{f}$ de $ E$ dans $ \overrightarrow{E}$, appelée fonction vectorielle de Leibniz du système, par :

$\displaystyle \vec{f}(M)=\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\overrightarrow{MA_i}  .$

Proposition 3   Soit $ (A_i,\lambda_i)_{i=1,\dots,n}$ un sytème de points pondérés d'un espace affine $ E$.
  1. Si le poids total du système est nul, la fonction vectorielle de Leibniz associée est constante.
  2. Si le poids total du système n'est pas nul, la fonction vectorielle de Leibniz associée est une bijection de $ E$ sur $ \overrightarrow{E}$. En particulier, il existe un point de $ E$ et un seul où cette fonction s'annule.

Démonstration : Soit $ O$ un point fixé de $ E$. On a pour tout point $ M$ de $ E$ :

$\displaystyle \vec{f}(M)=\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\overrightarrow{MA_i}
=\s...
...\left(\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\right) \overrightarrow{MO} + \vec{f}(O)\; .$

Il en résulte que si $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i=0$, alors $ \vec{f}(M)=\vec{f}(O)$ pour tout point $ M$ de $ E$. Sinon, pour tout vecteur $ \u$ de $ \overrightarrow{E}$, il existe un unique point $ M$ de $ E$ vérifiant $ \vec{f}(M)=\u$, ce point étant défini par $ \overrightarrow{OM}=\dfrac{1}{\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i} \left[ \vec{f}(O)-\u\right]$. $ \square$

Définition 5   Soit $ (A_i,\lambda_i)_{i=1,\dots,n}$ un système de points pondérés d'un espace affine $ E$ de poids total non nul : $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\not =0$. On appelle barycentre de ce système l'unique point $ G$ de $ E$ vérifiant $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\overrightarrow{GA_i}=\vec{0}$.

Le barycentre d'un système de points pondérés n'est donc défini que si le poids total du système n'est pas nul.

Propriétés du barycentre

Proposition 4  
  1. Le barycentre ne dépend pas de l'ordre des points.
  2. Homogénéité : le barycentre d'un système de points pondérés ne change pas lorsque l'on multiplie tous les poids par un même réel non nul.
  3. Associativité : le barycentre d'un système de points pondérés ne change pas lorsque l'on remplace certains de ces points par leur barycentre affecté de la somme des coefficients correspondants (à condition naturellement que cette somme ne soit pas nulle).
  4. Si $ G$ est le barycentre du système de points pondérés $ (A_i,\lambda_i)_{i=1,\dots,n}$, on a, pour tout point $ O$ de $ E$ :

    $\displaystyle \overrightarrow{OG}=\dfrac{\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\overrightarrow{OA_i}}{\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i}  .$

Démonstration : Les deux premières propriétés sont évidentes. Pour démontrer la troisième, soit $ G$ le barycentre du système pondéré $ (A_i,\lambda_i)_{1\leq i \leq n}$. Il suffit de considérer (en réordonnant éventuellement les points) le cas où les points que l'on regroupe sont $ A_1,\dots, A_p$ avec $ \sum_{i=1}^p \lambda_i \not = 0$. En notant $ H$ le barycentre du système pondéré $ (A_i,\lambda_i)_{1\leq i \leq p}$, on a alors $ \sum_{i=1}^p \lambda_i \overrightarrow{HA_i}=\vec{0}$ et

$\displaystyle \left(\sum_{i=1}^p \lambda_i \right) \overrightarrow{GH} + \sum_{i=p+1}^n \lambda_i \overrightarrow{GA_i}$ $\displaystyle = \sum_{i=1}^p \lambda_i (\overrightarrow{GA_i}+\overrightarrow{A_iH}) + \sum_{i=p+1}^n \lambda_i \overrightarrow{GA_i}$    
  $\displaystyle =\sum_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{GA_i} + \sum_{i=1}^p \lambda_i \overrightarrow{A_iH}$    
  $\displaystyle =\vec{0} - \sum_{i=1}^p \lambda_i \overrightarrow{HA_i}$    
  $\displaystyle =\vec{0}$    

ce qui montre que $ G$ est le barycentre du système pondéré $ [(H,\sum_{i=1}^p \lambda_i), (A_{p+1},\lambda_{p+1}),\dots,$ $ (A_n,\lambda_n)]$.

La dernière propriété provient de la relation

$\displaystyle \sum_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{GA_i}=
\sum_{i=1}^n \lambd...
...) \overrightarrow{GO}+\sum_{i=1}^n \lambda_i \overrightarrow{OA_i}=\vec{0} \; .$

$ \square$

Définition 6   On appelle isobarycentre d'une famille finie $ A_1$, ..., $ A_n$ de points de $ E$ le barycentre des points de cette famille affectés de poids tous égaux. En particulier, on appelle milieu d'un couple de points l'isobarycentre de ces deux points.

La notion de milieu est donc purement affine et ne fait pas appel à la notion de distance, ce qui n'empêche naturellement pas le milieu $ I$ d'un couple $ (A,B)$ de points d'être caractérisé, en géométrie euclidienne, par la double égalité $ IA=IB=AB/2$.

Notations de Grassmann

Si $ (A_i,\lambda_i)_{i=1,\dots,n}$ est un système de points pondérés d'un espace affine $ E$ de poids total $ \sum\limits_{i=1}^n \lambda_i=1$, le barycentre $ G$ de ce système vérifie $ \overrightarrow{OG}=\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i\overrightarrow{OA_i}$ pour tout point $ O$ de $ E$. On le notera $ G=\sum\limits_{i=1}^n \lambda_i A_i$.

On définit ainsi sans se référer à une origine un calcul sur les points qui satisfait aux règles habituelles du calcul vectoriel. Par exemple, si $ G$ est l'isobarycentre des sommets d'un triangle $ ABC$, on peut écrire

$\displaystyle G=\dfrac{1}{3}A+\dfrac{1}{3}B+\dfrac{1}{3}C=
\dfrac{1}{3}A+\dfrac{2}{3}\left( \dfrac{1}{2}B+\dfrac{1}{2}C\right)=
\dfrac{1}{3}A+\dfrac{2}{3}A'$

$ A'=\dfrac{1}{2}B+\dfrac{1}{2}C$ est le milieu de $ BC$ (cette égalité ne fait que refléter l'associativité du barycentre).

Mais attention : cette notation (parfois appelée notation de Grassmann) n'a de sens que pour un système de points pondérés de poids total 1. L'écriture $ A+B$ ou $ -A$ (où $ A$ est un point) n'a pas de sens.

On a par ailleurs vu, en étudiant la fonction vectorielle de Leibniz, que si $ (A_i,\alpha_i)_{i=1,\dots,n}$ est un système de points pondérés de poids total nul : $ \sum\limits_{i=1}^n \alpha_i=0$, le vecteur $ \u$ défini par $ \u=\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i\overrightarrow{OA_i}$ ne dépend pas du choix de $ O$. On peut donc noter également $ \u=\sum\limits_{i=1}^n \alpha_i A_i$. Par exemple, si $ n=2$, $ \alpha_1=1$ et $ \alpha_2=-1$, $ A_1-A_2$ est le vecteur $ \overrightarrow{A_2A_1}$. Mais une expression telle que $ 2A-3B$, ou $ A+B$, ou $ \dfrac{1}{2}A$, ne représente ni un point ni un vecteur.


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