Combinaisons linéaires

D'après le théorème 2, un sous-espace vectoriel contient toutes les combinaisons linéaires d'un nombre quelconque de vecteurs : pour tout entier $ n$, pour tous vecteurs $ v_1,\ldots,v_n$ de $ E$, et pour tous réels $ \lambda_1,\ldots,\lambda_n$,

$\displaystyle \lambda_1 v_1+\cdots+\lambda_n v_n
=\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i\in E\;.
$

Une des manières de fabriquer un sous-espace vectoriel est de partir d'un ensemble quelconque d'éléments, puis de lui ajouter toutes les combinaisons linéaires de ces éléments.

Définition 4   Soit $ E$ un espace vectoriel et $ {\cal V}$ un ensemble non vide (fini ou non) de vecteurs de $ E$. On appelle sous-espace engendré par $ {\cal V}$ l'ensemble des combinaisons linéaires d'un nombre fini quelconque d'éléments de $ {\cal V}$.

L'ensemble des combinaisons linéaires d'éléments de $ {\cal V}$ est un espace vectoriel, d'après le théorème 2. Le même théorème implique aussi que tout espace vectoriel contenant $ {\cal V}$ doit contenir toutes les combinaisons linéaires de ses éléments. Donc le sous-espace engendré par $ {\cal V}$ est inclus dans tout sous-espace contenant $ {\cal V}$. Une famille finie de vecteurs est un $ n$-uplet de vecteurs.

$\displaystyle {\cal F}=(v_1,\ldots,v_n)
$

L'espace vectoriel engendré par $ {\cal F}$ est l'ensemble des combinaisons linéaires de
$ v_1,\ldots,v_n$.

$\displaystyle \left\{\;\sum_{i=1}^n\lambda_i v_i ,\;
\forall i=1,\ldots, n\;\lambda_i\in\mathbb{R}\;\right\}\;.
$

À cause de la commutativité de l'addition, changer l'ordre dans lequel on écrit les vecteurs de la famille, ne modifie pas l'espace engendré. Pour $ n=1$, l'espace engendré par un seul vecteur $ v$ (non nul) est une droite vectorielle :

$\displaystyle \{ \lambda v ,\;\lambda\in\mathbb{R} \}\;.
$

Pour $ n=2$, l'espace engendré par deux vecteurs $ v$ et $ w$ (non proportionnels) est un plan vectoriel :

$\displaystyle \{ \lambda v+\mu w ,\;\lambda, \mu\in\mathbb{R} \}\;.
$

L'espace vectoriel $ \mathbb{R}^n$ est engendré par les $ n$ vecteurs

$\displaystyle (1,0,\ldots,0) ,\;
(0,1,\ldots,0) ,\;\ldots ,\;
(0,0,\ldots,1)\;.
$

En effet, on peut écrire tout vecteur $ (x_1,x_2,\ldots,x_n)$ de $ \mathbb{R}^n$, comme la combinaison linéaire :

$\displaystyle x_1 (1,0,\ldots,0)+
x_2 (0,1,\ldots,0)+\cdots+
x_n (0,0,\ldots,1)\;.
$

Deux familles de vecteurs différentes peuvent engendrer le même espace vectoriel. Par exemple $ \mathbb{R}^2$ est engendré par

$\displaystyle {\cal F} = \Big( (1,0) , (0,1) \Big)\;,
$

mais aussi par

$\displaystyle {\cal G} = \Big( (1,1) , (1,-1) \Big)\;.
$

En effet, tout vecteur $ (x,y)$ s'écrit :

$\displaystyle (x,y) = \frac{x+y}{2} (1,1)+\frac{x-y}{2} (1,-1)\;.
$

Définition 5   Soit $ E$ un espace vectoriel et $ {\cal F}$ une famille d'éléments de $ E$. On dit que $ {\cal F}$ est une famille génératrice si l'espace engendré par $ {\cal F}$ est égal à $ E$.

Par exemple $ {\cal F}=((1,0), (0,1))$ et $ {\cal G}=((1,1), (1,-1))$ sont deux familles génératrices de $ \mathbb{R}^2$. Par contre $ ((0,1), (0,2))$ n'est pas une famille génératrice de $ \mathbb{R}^2$.

Les familles suivantes sont aussi des familles génératrices de $ \mathbb{R}^2$.

$\displaystyle \Big( (1,0), (0,1), (1,1) \Big) ;\;
\Big( (1,1), (1,-1), (0,1) \Big) ;\;
\Big( (1,0), (0,1), (1,1), (1,-1) \Big)
$

Par rapport à $ {\cal F}$ et $ {\cal G}$, elles contiennent des vecteurs superflus. Si dans une famille de vecteurs, un vecteur est combinaison linéaire des autres, on peut l'enlever de la famille sans changer l'espace engendré. Une famille de laquelle on ne peut rien enlever sans changer l'espace engendré est une famille libre.

Définition 6   Soit $ {\cal F}=(v_1,\ldots,v_n)$ une famille finie de vecteurs. On dit que $ {\cal F}$ est une famille libre si pour tous $ \lambda_1,\ldots,\lambda_n\in\mathbb{R}$,

$\displaystyle \sum_{i=1}^n\lambda_i v_i = 0
\;\Longrightarrow\;
(\forall i=1,\ldots,n ,\;\lambda_i = 0)\;.
$

Elle est dite liée dans le cas contraire.

On dit aussi que les vecteurs $ v_1,\ldots,v_n$ sont linéairement indépendants quand leur famille est libre. Comme cas particuliers, une famille contenant le vecteur nul est liée ; une famille contenant un seul vecteur non nul est libre. On utilise souvent la caractérisation suivante :

Proposition 3   Soit $ n$ un entier au moins égal à $ 2$. Une famille de $ n$ vecteurs est liée si et seulement si l'un des vecteurs est combinaison linéaire des autres.

Démonstration : Soit $ (v_1,\ldots,v_n)$ une famille liée. Par définition, il existe une combinaison linéaire nulle, dont les coefficients ne sont pas tous nuls.

$\displaystyle \sum_{i=1}^n \lambda_i v_i = 0\;,
$

et au moins un des $ \lambda_i$ est non nul. Observons que la propriété pour une famille d'être libre ou liée ne dépend pas de l'ordre dans lequel on écrit les vecteurs. Sans perte de généralité nous pouvons supposer que $ \lambda_n$ est non nul. On en déduit alors :

$\displaystyle v_n = -\left(\frac{\lambda_1}{\lambda_n} v_1+\cdots+
\frac{\lambda_{n-1}}{\lambda_n} v_{n-1}\right)
$

Réciproquement, supposons que $ v_n$ soit combinaison linéaire de $ v_1,\ldots,v_{n-1}$ :

$\displaystyle v_n = \lambda_1 v_1+\cdots+\lambda_{n-1} v_{n-1}
$

Alors :

$\displaystyle \lambda_1 v_1+\cdots+\lambda_{n-1} v_{n-1}-v_n=0\;,
$

Donc la famille $ (v_1,\ldots,v_n)$ est liée.$ \square$

Dans $ \mathbb{R}^2$, la famille $ ((0,1), (0,2))$ est liée. A l'inverse, les familles $ {\cal F}=((1,0), (0,1))$ et $ {\cal G}=((1,1), (1,-1))$ sont deux familles libres de $ \mathbb{R}^2$. Dans $ \mathbb{R}^n$,

$\displaystyle \Big(  (1,0,\ldots,0) ,\;
(0,1,\ldots,0) ,\;\ldots ,\;
(0,0,\ldots,1) \Big)
$

est une famille libre.

         © UJF Grenoble, 2011                              Mentions légales