Surfaces paramétrées

Dans cette partie, on va donner quelques rudiments concernant les surfaces paramétrées régulières. Comme dans le cas des courbes, la notion d'espace tangent est liée à la différentielle première et la forme de la surface est donnée par la différentielle seconde.



Définition des surfaces paramétrées


Définition 16   Une surface paramétrée de classe $ C^k$ ($ k\geq 1$) est une application de classe $ C^k$

$\displaystyle f : U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3,
$

$ U$ est un domaine de $ \mathbb{R}^2$ (ouvert connexe de $ \mathbb{R}^2$).

L'ensemble $ S=f(U)=\{f(x,y), (x,y)\in U \}$ est appelé le support géométrique de la surface paramétrée $ f:U\to\mathbb{R}^3$.

Figure 7: Surface paramétrée
\includegraphics[height=5cm]{surface1}



Reparamétrisation


Comme dans le cas des courbes, il est possible de reparamétrer les surfaces paramétrées par des difféomorphismes. Prenons une surface paramétrée $ f:U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3$ de classe $ C^1$ et $ \varphi:V\subset \mathbb{R}^2 \to U$ un $ C^1$ difféomorphisme. Alors

$\displaystyle f \circ \varphi : V \to \mathbb{R}^3$

est une surface paramétrée qui a exactement le même support géométrique que $ f$. On dit que $ \varphi$ est un changement de variable admissible et que $ f\circ \varphi$ est une reparamétrisation de $ f$.



Rappel sur les différentielles


Le but de cette partie n'est pas de faire un cours précis sur les différentielles, mais de rappeler les notions utiles pour les surfaces. Pour plus de précisions, le lecteur pourra regarder le chapitre Fonctions de plusieurs variables de Maths en L$ {\dot 1}$gne. Prenons une application $ f: U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^n$ (avec $ n\geq 1$).

Définition 17  

On a alors la proposition suivante:

Proposition 14   Si $ f$ est une application de classe $ C^1$, le développement limité de $ f$ à l'ordre un est donné par :

$\displaystyle f(x,y) = f(a,b) + Df(a,b).(h_x,h_y) + o\left( \sqrt{h_x^2+h_y^2} \right),
$

avec $ h_x=(x-a)$ et $ h_y=(y-b)$.

De même, on dit qu'une application $ f: U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^n$ est de classe $ C^2$ si les dérivées partielles d'ordre deux existent et sont continues. La différentielle seconde $ D^2f(a,b) : \mathbb{R}^2\times\mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^n$ est alors une application bilinéaire donnée pour tout $ (h_x,h_y),(k_x,k_y) \in \mathbb{R}^2 \times \mathbb{R}^2$ par :

$\displaystyle h_xk_x\frac{\partial^2 f}{\partial x^2}(a,b) + (h_xk_y+h_yk_x) \f...
...}{\partial x \partial y}(a,b) + h_yk_y \frac{\partial^2 f}{\partial y^2}(a,b).
$

On a alors la proposition suivante :

Proposition 15   Si $ f \subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^n$ est de classe $ C^2$, le développement limité de $ f$ à l'ordre deux est donné par :

$\displaystyle f(x,y)=
f(a,b)
+ Df(a,b)(h_x,h_y)
+\frac{1}{2} D^2f(a,b)(h_x,h_y)^2+o((h_x^2+h_y^2)),
$

avec $ h_x=(x-a)$ et $ h_y=(y-b)$.



Espace tangent à une surface


Prenons une surface paramétrée $ f:U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3$ de classe $ C^1$. Remarquons que si $ \gamma: I\subset \mathbb{R}\to U$ est une courbe paramétrée plane dont le support géométrique vit dans l'espace des paramètres $ U$, alors l'application

$\displaystyle f \circ \gamma : I \to \mathbb{R}^3
$

est une courbe paramétrée dont le support est inclus dans le support $ S=f(U)$ (Figure 8).
Figure 8: Courbe sur une surface
\includegraphics[height=6cm]{courbeSurface}

En particulier, prenons un point $ m_0=f(x_0,y_0)$ de la surface et considérons deux intervalles $ I_1$ et $ I_2$ de $ \mathbb{R}$ tels que $ (x_0,y_0) \in I_1\times I_2 \subset U$. On peut considérer la courbe coordonnée $ \gamma_{x_0}$ (avec $ x_0\in I_1$) :

$\displaystyle \gamma_{x_0} : y \in I_2 \mapsto f(x_0,y) .
$

Clairement, $ \gamma_{x_0}$ est une courbe paramétrée dont le support est inclus dans $ S=f(U)$. Si cette courbe est régulière en $ y=y_0$ cela signifie que le vecteur $ \gamma_{x_0}'(y_0)$ est tangent à la courbe $ \gamma_{x_0}$ au point $ m_0=\gamma_{x_0}(y_0)$. De même, on peut considérer la courbe coordonnées $ \gamma_{y_0}$ (avec $ y_0\in I_2$) :

$\displaystyle \gamma_{y_0} : x \in I_1 \mapsto f(x,y_0).
$

Si cette courbe est régulière en $ x=x_0$ cela signifie que le vecteur $ \gamma_{y_0}'(x_0)$ est tangent à la courbe $ \gamma_{y_0}$ au point $ m_0=\gamma_{y_0}(x_0)$. Or, par définition des dérivées partielles, nous avons:

$\displaystyle \gamma_{x_0}'(y_0) = \frac{\partial f}{\partial x} (x_0,y_0)$    et $\displaystyle \quad
\gamma_{y_0}'(x_0) = \frac{\partial f}{\partial y} (x_0,y_0).
$

Figure 9: Dérivées partielles de la paramétrisation
\includegraphics[height=6cm]{surface4}
Ceci motive la définition d'espace tangent à une surface :

Définition 18   L'espace tangent à une surface paramétrée $ f:U\to\mathbb{R}^3$ au point $ m_0=f(x_0,y_0)$ est l'espace affine, noté $ T_{m_0}S$ (avec $ S=f(U)$) passant par $ m_0$ et engendré par les vecteurs $ \frac{\partial f}{\partial x} (x_0,y_0)$ et $ \frac{\partial f}{\partial y} (x_0,y_0)$.

En pratique, l'espace tangent $ T_{m_0}S$ désigne aussi l'espace vectoriel qui dirige l'espace affine défini ci-dessus à savoir donc l'espace vectoriel engendré par les vecteurs $ \frac{\partial f}{\partial x} (x_0,y_0)$ et $ \frac{\partial f}{\partial y} (x_0,y_0)$.

Définition 19  

On peut montrer que cette définition ne dépend pas de la paramétrisation choisie. Au final, on peut retenir que si la surface est régulière, alors l'espace tangent $ T_mS$ définit en tout point $ m$ par l'application $ f$ est de dimension deux : on l'appelle aussi plan tangent.
Figure 10: Espace tangent d'une surface paramétrée régulière
\includegraphics[height=6cm]{surface6}



Longueur et aire


Prenons une surface paramétrée $ f:U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3$ de classe $ C^1$ et $ \gamma: [a,b]\subset \mathbb{R}\to U$ une courbe paramétrée plane dont le support géométrique vit dans l'espace des paramètres $ U$. Alors $ f \circ \gamma $ est une courbe paramétrée dont le support est inclus dans le support $ S=f(U)$ (Figure 8). Sa longueur est donnée par :

$\displaystyle l(f\circ \gamma) = \int_a^b \Vert(f\circ \gamma)'(t)\Vert dt
= \int_a^b \Vert(Df(\gamma(t)). \gamma'(t)\Vert dt.
$

Autrement dit, pour connaître la longueur de la courbe $ f \circ \gamma $, on a besoin de la différentielle $ Df$ et de la dérivée de $ \gamma$. Par ailleurs, on donne sans preuve le résultat qui donne l'aire d'une surface :

Proposition 16   Soit $ f:U\subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3$ une surface paramétrée régulière de classe $ C^1$. Alors l'intégrale :

$\displaystyle \displaystyle \int_U \left\Vert
\frac{\partial f}{\partial x} (x,y) \wedge \frac{\partial f}{\partial y} (x,y)
\right\Vert dudv
$

ne dépend pas de la paramétrisation.

Définition 20   L'aire de la surface $ S=f(U)$ paramétrée par $ f:U\to\mathbb{R}^3$ est :

$\displaystyle \int_U{\left\Vert
\frac{\partial f}{\partial x} (x,y) \wedge \frac{\partial f}{\partial y} (x,y)
\right\Vert dudv}.
$


Exemple : On considère le tore de révolution $ f:[0,2\pi[\times [0,2\pi[\to\mathbb{R}^3$ paramétré par :

\begin{displaymath}
f(x,y) = \left(
\begin{array}{c}
(R+r\cos u)\cos v\\
(R+r\cos u)\sin v\\
r\sin u
\end{array}\right).
\end{displaymath}

L'aire de cette surface est donnée par :

$\displaystyle Aire = \int_0^{2\pi}\int_0^{2\pi} \left\Vert
\frac{\partial f}{\...
...t_0^{2\pi}\int_0^{2\pi} \left\vert
r(R+r\cos x)
\right\vert dxdy
=4\pi^2 r R.
$



Allure locale d'une surface


On s'intéresse ici à la forme de la surface localement. Rappelons que pour les courbes paramétrées régulières, la dérivée de la paramétrisation donne un vecteur tangent à la courbe, et la dérivée seconde permet de calculer la courbure. Pour les surfaces, il en est de même : la différentielle de la paramétrisation $ f$ permet de définir l'espace tangent. Pour avoir une idée de la forme, on peut faire un développement limité à l'ordre deux.

Cas particulier
Pour simplifier, on va supposer que la surface est paramétrée par une application de la forme :

$\displaystyle f(x,y)=(x,y,\phi(x,y)),
$

avec $ \phi:U\subset \mathbb{R}^2\to \mathbb{R}$. (En fait, on peut montrer que l'on peut toujours se ramener localement à une telle forme, et que cette hypothèse n'est pas restrictive.) D'autre part, quitte à faire un changement de repère, on peut supposer que $ \phi(0,0)=0$ et que $ D\phi(0,0)=0$. Dans le nouveau repère, cela revient à avoir que la surface passe par le point de coordonnées $ (0,0,0)$ et que le plan tangent en ce point est horizontal. Dans ce cas là, le développement limité de $ \phi$ en $ (0,0)$ est :

$\displaystyle \phi(x,y)=\frac{1}{2} D^2\phi(0,0)(x,y)^2+o((x^2+y^2)),
$

avec

$\displaystyle D^2\phi(0,0)((x,y),(x,y))=x^2\frac{\partial^2 \phi}{\partial x^2}...
...}{\partial x \partial y}(0,0) + y^2 \frac{\partial^2 \phi}{\partial y^2}(0,0).
$

La forme bilinéaire symétrique $ D^2\phi(0,0)((x,y),(x,y))$ donne ainsi des informations sur l'allure de la surface au voisinage du point $ m=f(0,0)=(0,0,0)$. Il s'agit de la deuxième forme fondamentale.

Cas général
Dans le cas d'une paramétrisation régulière quelconque, la définition de la deuxième forme fondamentale fait aussi intervenir la différentielle première. Rappelons que si $ f:U\to\mathbb{R}^3$ est une surface paramétrée régulière de classe $ C^2$, alors les vecteurs $ \frac{\partial f}{\partial x} (x,y)$ et $ \frac{\partial f}{\partial y} (x,y)$ forment une base de l'espace tangent $ T_mS$ à $ S=f(U)$ au point $ m=f(x,y)$. Tout vecteur de $ T_mS$ s'exprime donc dans cette base :

$\displaystyle \forall v \in T_mS\quad \exists(v_x,v_y)\in \mathbb{R}^2\quad v =v_x \frac{\partial f}{\partial x}(x,y) + v_y \frac{\partial f}{\partial y} (x,y).
$

On note $ K(x,y)$ le vecteur orthogonal à l'espace tangent $ T_mS$ donné par :

$\displaystyle K(x,y) = \frac{\frac{\partial f}{\partial x}(x,y) \wedge \frac{\p...
...al f}{\partial x}(x,y) \wedge \frac{\partial f}{\partial y}(x,y) \right\Vert}.
$

Définition 21   Soit $ f:U\to\mathbb{R}^3$ une surface paramétrée régulière de classe $ C^2$. La deuxième forme fondamentale $ II_m$ en un point $ m=f(x,y)$ est la forme quadratique sur l'espace tangent $ T_mS$ définie par :

$\displaystyle \forall v=v_x \frac{\partial f}{\partial x}(x,y) + v_y \frac{\par...
...artial y} (x,y) \in T_mS,\quad
II_m(v) = v_x^2 L_m + 2 v_xv_y M_m + v_y^2 N_m,
$

$\displaystyle L_m = \frac{\partial^2 f}{\partial x^2}(x,y) . K(x,y) \quad
M_m =...
... y}(x,y) . K(x,y) \quad
N_m = \frac{\partial^2 f}{\partial y^2}(x,y) . K(x,y).
$

On peut montrer que la deuxième forme fondamentale $ II_m$ au point $ m$ ne dépend pas (au signe près) du choix de la paramétrisation.


Remarques :

Comme $ T_mS$ est un espace vectoriel de dimension deux munit d'un produit scalaire, on peut utiliser le résultat d'algèbre suivant :

Proposition 17   Soient $ V$ est un espace vectoriel de dimension deux munit d'un produit scalaire et $ Q:V\to \mathbb{R}$ une forme quadratique sur $ V$. Alors il existe une base orthonormée $ (e_1,e_2)$ de $ V$ telle que :

$\displaystyle \forall v = (v_x,v_y) = v_xe_1+v_ye_2 \in V\quad\quad Q(v_x,v_y) = v_x^2 \lambda_1 + v_y^2 \lambda_2,
$

$\displaystyle \lambda_1 = \min_{v\neq 0} \frac{Q(v)}{\Vert v\Vert^2}$   et$\displaystyle \quad
\lambda_2 = \max_{v\neq 0} \frac{Q(v)}{\Vert v\Vert^2}.
$

On peut montrer que si $ \lambda_1 \neq \lambda_2$, alors la base orthogonale $ (e_1,e_2)$ dans laquelle la forme quadratique est diagonale est unique (à l'orientation près des vecteurs). En appliquant cette proposition à la deuxième forme fondamentale $ II_m$ au point $ m=f(x,y)$, on sait qu'il existe une base orthonormée $ (e_1,e_2)$ de $ T_mS$ telle que :

$\displaystyle \forall v = (v_x,v_y) = v_xe_1+v_ye_2 \in T_mS\quad\quad II_m(v_x,v_y) = v_x^2 \lambda_1 + v_y^2 \lambda_2,
$

$\displaystyle \lambda_1 = \min_{v\neq 0} \frac{Q(v)}{\Vert v\Vert^2}$   et$\displaystyle \quad
\lambda_2 = \max_{v\neq 0} \frac{Q(v)}{\Vert v\Vert^2}.
$

On définit alors :

Définition 22  



Interprétation géométrique


Pour tout vecteur $ v \in T_mS$, $ II_m(v)$ est la courbure de la surface au point $ m$ dans la direction $ v$. En particulier, $ \lambda_1$ est la courbure de la surface $ S$ dans la direction $ e_1$ et $ \lambda_2$ est la courbure de la surface $ S$ dans la direction $ e_2$. Le résultat d'algèbre précédent est assez surprenant dans la mesure où il nous dit que pour tout point de toute surface régulière de classe $ C^2$, la direction dans laquelle la surface est la plus courbée et la direction dans laquelle la surface est la moins courbée sont orthogonales.

Figure 11: Allure locale de la surface en fonction du signe des courbures principales
\includegraphics[height=6cm]{3cas6}
D'autre part, si on exprime localement la surface $ S$ comme un graphe au-dessus de son espace tangent et que l'on met l'origine au point $ m$, on peut supposer que $ f(x,y)=(x,y,\phi(x,y))$ avec $ m=(0,0,0)=f(0,0)$ et $ Df(0,0)=0$. De plus, si on exprime $ \phi$ dans la base des directions principales $ (e_1,e_2)$ du plan tangent $ T_mS$ on a :

$\displaystyle f(x,y)=(x,y,\phi(x,y))$    avec$\displaystyle \quad \phi(x,y) =
\frac{1}{2}\left( \lambda_1 x^2 + \lambda_2 y^2 \right) + o(x^2+y^2).
$

Il est clair sur cette formule que l'allure de la surface au voisinage du point $ m$ dépend du signe de $ \lambda_1$ et de $ \lambda_2$, (Figure 11):


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