Fonctions spéciales

Toute fonction continue sur un intervalle admet une infinité de primitives sur cet intervalle. La question du calcul d'une primitive recouvre en fait deux problèmes très différents. Le premier est celui du calcul numérique d'une ou plusieurs de ses valeurs, qui par nature sera une approximation (l'ordinateur ne peut donner que des résultats décimaux). L'autre problème est celui du calcul formel, qui consiste à trouver une expression d'une primitive à l'aide de fonctions connues. Considérons par exemple les fonctions suivantes. Ont-elles une primitive que l'on peut calculer ?
  1. $ \displaystyle{x\rightarrow f(x) = \frac{1}{x}}$
  2. $ \displaystyle{x\rightarrow g(x) = \frac{1}{\ln(x)}}$.
La réponse est oui pour $ f$, dont une primitive est $ x\rightarrow \ln\vert x\vert$, dans la mesure où on considère que $ \ln$ est une fonction connue. C'est non pour $ g$ sauf si on définit la fonction logarithme intégral que l'on note $ \mathrm{Li}$ :

$\displaystyle \mathrm{Li}(x) = \int_{2}^{x}\frac{\mathrm{d}t}{\ln(t)}\;.
$

Cette fonction apparaît naturellement dans des problèmes pratiques, tout comme le logarithme ordinaire. De la même façon, on est amené à définir le sinus intégral, le cosinus intégral, l'exponentielle intégrale.

$\displaystyle \mathrm{Si}(x)=\int_0^x \frac{\sin(t)}{t} \mathrm{d}t
\quad;\qua...
...d;\quad
\mathrm{Ei}(x)=\int_{-\infty}^x \frac{\mathrm{e}^t}{t} \mathrm{d}t\;.
$

Encore étudiant, J.W.L. Glaisher (1848-1928) publia un article sur les fonctions sinus intégral, cosinus intégral et exponentielle intégrale, contenant des tables de valeurs inédites. Il deviendra un spécialiste reconnu du calcul de tables numériques.

Au cours du temps, de nombreuses fonctions sont ainsi apparues, et sont désormais intégrées aux logiciels de calcul. Une des plus connues est la fonction $ \mathrm{erf}$ (pour «error function»), très utilisée en statistique, qui est définie comme suit.

$\displaystyle \mathrm{erf}(x) = \frac{2}{\sqrt{\pi}}\int_0^x \mathrm{e}^{-t^2} \mathrm{d}t\;.
$

Toutes ces fonctions «spéciales», ont exactement le même statut mathématique que les fonctions usuelles : on peut les dériver, les intégrer, les associer à d'autres fonctions dans des formules, etc. Au moment de calculer numériquement une valeur particulière, un logiciel de calcul utilisera toujours un algorithme d'approximation ; mais c'est aussi le cas pour les fonctions usuelles...  Alors pourquoi distinguer les fonctions spéciales des autres fonctions ? Peut-être parce que les fonctions usuelles vous posent déjà suffisamment de problèmes, sans en rajouter !

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